Faire « avec » l’UE : retour sur l’accord électoral EELV-LFI
Dimanche 2 mai, dans la nuit, les négociateurs d’Europe Écologie-Les Verts et de La France Insoumise ont scellé un accord politique en vue des prochaines élections législatives. Dans un thread Twitter, David Cormand a livré ses réflexions sur cet accord.
“Cette nuit, le Conseil fédéral du parti Europe Écologie-Les Verts a validé le principe d’un accord politique avec La France Insoumise en vue des prochaines élections législatives. Celui-ci doit désormais être proposé au vote des adhérentes et des adhérents. Il en est ainsi des Partis qui chérissent les fonctionnements démocratiques. Car il n’y a pas de raccourci en politique. Prendre le temps de débattre, d’analyser puis de décider collectivement constitue l’ADN des Verts. On peut le moquer, personnellement je m’en réjouis.
Il ne m’appartient pas de livrer une appréciation dans le détail, de cet accord. Mais je souhaite donner mon avis d’une part en général, puis en particulier sur la question européenne.
D’un point de vue général, le parlement interne d’EELV a de mon point de vue pris la bonne décision. En validant cet accord. La situation politique l’exige, et il est la conséquence logique du résultat de l’élection présidentielle. Par leurs votes, les citoyennes et les citoyens qui aspirent au changement écologique et solidaire de notre civilisation ont désigné la force politique à qui il incombe de mener cette bataille en juin 2022. Notre responsabilité politique est de l’entendre. Il en va ainsi du moment de vérité politique que constitue une élection. Elle ne ment pas, et tout militant•e commet une faute si elle ou il ne l’entend pas. Un grand merci, donc, aux membres de notre Conseil fédéral d’avoir pris leur part dans ce qui se jouait hier soir.
Les deux autres éléments à prendre en compte sont la force désormais structurelle de l’extrême-droite dans notre pays, ainsi que les intentions politiques de la majorité autour du Président de la République réélu. S’organiser pour tenter d’empêcher que LREM dispose seule d’une majorité à l’Assemblee nationale est primordiale. Nous mobiliser pour construire une majorité alternative est un objectif politique que le contexte exceptionnel peut rendre atteignable.
Bref, les résultats du premier tour ayant résolu, pour cette phase, la question du leadership politique dans le camp alternatif aux Droites, les législatives doivent être le moment de mobilisation de notre camp de l’alternative et de l’alternance.
Je veux maintenant aborder la question européenne. Ce sujet constitue une divergence politique historique entre les écologistes et une partie de la gauche traditionnelle, dont la France Insoumise. Ces divergences subsistent et subsisteront sans doute… Nous sommes fédéralistes, LFI ne l’est pas. Nous pensons que l’Europe est l’horizon politique de la souveraineté du peuple européen, LFI pense que c’est exclusivement la nation. Nous pensons que les maux du capitalisme et de la mondialisation libérale pèsent sur nos sociétés antérieurement à la construction européenne, LFI fait peser trop souvent sur l’Union européenne l’exclusivité de ces turpitudes…
Ensuite, si l’UE peut parfois constituer une partie du problème, elle est de notre point de vue l’entité qui a la masse critique pour peser sur la marche du monde dans le sens de plus de justice sociale et écologique. Enfin, nous ne passons pas en profits et pertes l’apport culturel et politique en matière de paix et de dialogues entre les peuples que l’Union européenne contribue à bâtir.
Voici le texte que nous avons acté avec LFI sur la question européenne. Par définition, sa portée politique sera opérante dans le cas de l’élection d’une majorité alternative en juin.
Des inflexions notables ont été obtenues qui modifient les orientations originelles de LFI. Rappelons que la position initiale de LFI tournait autour du plan A et plan B, ce dernier étant la sortie de l’Union. Cette dialectique est abandonnée. Qui plus est, la perspective de la sortie de l’Union ou de la monnaie unique est explicitement indiquée, tout comme la perspective de « désagrégation », qui exclue « l’opt out » ou « l’Europe à la carte ».
Sur le concept de « désobéissance », qui fait couler beaucoup d’encre, je tiens d’abord à rappeler que ce sont les écologistes qui ont inventé ce concept politique de résistance passive et non violente… Il n’est pas nouveau et nous le revendiquons comme nôtre.
En l’espèce, il est explicitement circonscrit au respect de l’Etat de Droit, et donc à la hiérarchie du droit… qui fait partie intégrante du concept juridique « d’état de droit ». Le cas d’Orban est de la Hongrie est par ailleurs clairement explicité…
Enfin, si les limites et les dérives de l’Union européennes sont légitimement dénoncées, les avancées et les garanties qu’elle apporte sont également citées (protection des consommateurs, normes environnementales, etc.).
Construire une synthèse politique dynamique sur la question de l’Union européenne entre deux familles politiques très différentes sur leurs approches à ce sujet, qui plus est en quelques heures, est une gageure. Mais il fallait le faire, et je pense qu’il faut en être fier•es. Cela a nécessité pour EELV d’accepter un champ lexical (ce que l’on appelle à Bruxelles un « wording ») qui n’est pas le nôtre. Mais cela a exigé pour LFI d’accepter des évolutions substantielles sur le fond de sa doctrine… Au delà des mots, chacune et chacun comprend que le monde et l’Europe vont devoir répondre à de nouveaux défis. Les Verts le disent depuis longtemps. Et notre conviction est que l’Union européenne doit être une actrice majeure de ces changements.
C’est sur cette conviction de devoir faire « avec » l’Union européenne que nous scellons cet accord de mandature. Ce n’est qu’un premier pas. Nous devons continuer de bâtir une nouvelle culture commune écologiste et solidaire de l’Union européenne.”