Fusion Vivendi/Lagardère : la Commission européenne ouvre une enquête
Le 25 juillet 2023, la Commission européenne a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la fusion Vivendi/Lagardère, après l’avoir validée quelques mois plus tôt. David Cormand en avait fait la demande en juin.
Le groupe de Bolloré a-t-il exercé un contrôle anticipé sur Lagardère, avant l’autorisation officielle délivrée par la direction de la concurrence européenne ? C’est l’objet de l’enquête annoncée dans un communiqué.
David Cormand s’était déjà exprimé au sujet du mépris affiché par le groupe Vivendi à l’égard des règles de la concurrence européenne. Il avait ensuite demandé une enquête, dans un courrier envoyé à Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence :
D’une part, nous sommes préoccupés par les allégations de gun jumping émises à l’encontre du groupe Vivendi.
Plus tôt cette année, La Lettre A révélait une série de recherches effectuées par les services de la Commission au siège du groupe Vivendi : selon le média français, « les enquêteurs [soupçonnaient] Vivendi d'influencer la stratégie de Lagardère avant d'avoir obtenu le feu vert de Bruxelles pour en prendre le contrôle », ce qui serait considéré comme du « gun jumping ».
En outre, la presse a largement documenté les rapprochements entre les deux groupes, qu’ils soient éditoriaux ou même physiques, et le risque que ceux-ci pouvaient faire peser sur le fonctionnement du marché.
Or, il nous a été confirmé par votre cabinet que la prise de contrôle anticipée, avant que la fusion ne soit validée, est interdite, et passible d’une amende. Nous souhaitons donc savoir si la Commission a eu connaissance d’un contrôle de fait qu’aurait exercé le groupe Vivendi sur le groupe Lagardère avant l’approbation de la fusion, ou si elle compte mener une enquête à ce sujet.
L’importance d’une telle enquête ne peut être sous-évaluée. En effet, la Commission européenne peut infliger des amendes aux entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, ont enfreint l'obligation de notification, l'obligation de suspension et/ou le respect des engagements, lesquelles amendes peuvent atteindre 10 % du chiffre d'affaires total des entreprises.
En revanche, l’enquête pour gun jumping demeure une procédure distincte de la fusion qui, elle, a bel et bien été approuvée par les services de la même Commission. Pour rappel, quelques jours après que la fusion ait été approuvée, l'arrivée de Geoffroy Lejeune était annoncée au JDD : une conséquence dramatique mais prévisible, dont les effets sur le paysage médiatique français n’ont pas fini de se faire ressentir.
L’approbation de la fusion Vivendi/Lagardère signifie que notre modèle, en Europe comme en France, ne sait pas encore protéger sa démocratie de la prédation d'intérêts privés.