Journée mondiale des consommateurs : pourquoi il faut réguler la publicité

Aujourd’hui, c’est la Journée internationale des droits des consommateurs : une bonne occasion de rappeler que le principal intermédiaire entre les consommateurs et ce qu’ils achètent, la publicité, est très mal régulée.

Et c’est un gros problème.

Au Parlement européen, je suis membre de la commission du marché intérieur pour allier protection des consommateur·ices et transition écologique. Le gros morceau cette année c'est le "paquet sur l’économie circulaire", proposé par la Commission européenne. Ces textes sont notamment l’occasion de renforcer la fiabilité de la communication commerciale, en bannissant par exemple les pratiques de greenwashing - un combat qui semble faire consensus au niveau citoyen. Nos débats montrent que c’est loin d’être le cas au Parlement...

Si les citoyen·ne·s européen·ne·s ont bien compris que la manière dont ils et elles subissent le système publicitaire est problématique, l’UE refuse d’en prendre la mesure.

Mais d’ailleurs, c’est quoi le problème avec la pub ?

En théorie, la publicité a pour fonction de renseigner les consommateur·ices sur les biens et services qu'ils achètent: elle permettrait de connaître le coût, les caractéristiques, mais aussi l'impact écologique et social réel de ce que nous consommons. Mais en pratique, la publicité ne sert qu'un objectif : la pérennité de la société de consummation. C’est tout. Et nous faire croire le contraire, c’est tout l’enjeu pour des annonceurs qui ont bien compris qu’il fallait s’adapter pour vendre.

Et cette fin justifie les moyens les plus trompeurs et les pratiques les plus abusives : obsolescence prématurée, commerce et exploitation des données personnelles, envahissement de toutes les sphères, publiques comme privées, greenwashing...

Spoiler : planter un arbre quand on vend une voiture, ça ne marche pas ! Mais ça permet d’apposer un joli label vert sur sa pub, quitte à tromper sciemment les consommateurs. Et les exemples sont nombreux : jetez donc un oeil au concours des “Kings du Greenwashing 2023”, organisé par le média Vert.eco et l’association Pour un réveil écologique.

Il y a donc un problème de fond. Mais il y a aussi un problème de forme. L’exposition publicitaire est si intense qu’elle ne peut être précisément chiffrée.

Ce qui est sûr : nous la subissons partout, et sous les formes les plus invasives. Ce matraquage de chaque instant influence l’opinion et oriente le débat public. Il normalise l’existence d’un système publicitaire consumériste et insoutenable, boosté par une absence navrante de volonté politique, en France comme en Europe :

  • Le groupe écologiste au Sénat avait par exemple tenté de mettre un coup d'arrêt à la pub, à l'occasion de la #LoiClimat, en proposant l'interdiction des panneaux numérique ou de la pub pour les SUV. Tous ces amendements ont été rejetés par la droite.

  • Lors de nos débats sur le paquet économie circulaire, j'ai porté avec le groupe des Verts au Parlement européen l'idée d'un contrôle préalable des allégations sociales des entreprises. Ce point, soutenu par les Socialistes et la Gauche, a été rejeté par Renew et le PPE. Et ne sera même pas voté !

  • Au Parlement européen, ce sont ces mêmes forces réactionnaires qui agissent pour l'immobilisme. La Commission se conforte de cette inaction : déjà en 2020, je réclamais une prise en charge européenne des enjeux de la publicité. Je l'attends encore.

Ça plane pour la Lufthansa (2022)

« Connecter le monde, protéger son futur » : la compagnie allemande Lufthansa nous fait planer ! Elle oublie juste de préciser que le secteur de l’aviation contribue à près de 6% du réchauffement climatique, surtout grâce aux plus riches. On doit la moitié du trafic à 1% de la population mondiale et 80% des humains n’ont jamais décollé.

En Belgique et au Royaume-Uni, les régulateurs de la publicité ont fait retirer cette affiche, qui laisse croire à tort que la Lufthansa fait du bien à la planète. L’heure est venue de sortir le train d’atterrissage ? (source : Vert.eco)

Pourquoi alors nos opposants défendent-ils une telle dérégulation ?

Pour une raison simple : la publicité, c’est l’essence de la surconsommation ; la surconsommation, c’est le moteur du capitalisme. Derrière la pub, se joue la subsistance de ce modèle à bout de souffle. Plutôt que d’inciter à un changement réel des modes de consommation, le système publicitaire nous oriente vers de fausses solutions. Il nous fait miroiter que la transition écologique et sociale est possible sans remise en question de nos habitudes.

Ce que nous devons clamer, nous autres écologistes, c’est que le consumérisme est une impasse, peu importe le nombre de labels qu’on lui appose et de slogans qui le promeuvent.

Promettre l’inverse, comme le fait la pub, c’est leurrer à chaque instant les consommateurs et consommatrices ; ce n’est certainement pas défendre leurs droits et intérêts. Et aujourd’hui particulièrement, il semble utile de le rappeler ! #WorldConsumersDay

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