Nutriscore : Carole Delga, ou la démagogie du Roquefort

Dimanche 11 juin, Carole Delga, présidente de la région Occitanie, demandait dans une série de tweets l'exclusion du nutriscore pour les produits AOP. Pour David Cormand, cette communication est non seulement démagogique, mais aussi au détriment de l’intérêt des paysan•nes, des terroirs et des consommatrices.

Le nutriscore est un système d'étiquetage nutritionnel à cinq niveaux, allant de A à E et du vert au rouge, placé sur le devant des emballages alimentaires, établi en fonction de la valeur nutritionnelle d'un produit alimentaire. Cette avancée est une invention française votée et mise en œuvre lorsque Madame Delga était députée.

Le nutriscore a depuis été étendu à d’autres pays - la Belgique, l'Espagne, l'Allemagne et les Pays-Bas - mais n’est toujours pas imposé au niveau européen. Et pour cause, le nutriscore n’est pas l’ennemi de l’agriculture paysanne, mais celui des lobbys de l’agro-industrie et de l’agro-alimentaire qui se battent pour empêcher à tout prix son développement.

Pourquoi ? Car ce label vise à éclairer les consommatrices et les consommateurs en leur permettant de disposer d’une information fiable et accessible, contrairement aux fausses prétentions des campagnes publicitaires financées à coup de milliards par les géants de l’agro-alimentaire.

En fait, en reprenant les éléments de langages de ces lobbys, Madame Delga n’est pas l’avocate des terroirs. Elle est l’alliée de ses fossoyeurs. Et l’exemple du Roquefort en est une bonne illustration.

Ce fromage est présenté comme l’un des symboles de la gastronomie et de l’agriculture française, notamment depuis que José Bové s’en était saisi comme un étendard de la lutte contre la mondialisation de la mal-bouffe au tournant du siècle.

La marque « Société », dont on voit apparaître le logo dans la vidéo de Mme Delga (en haut à droite), n’est pas une coopérative paysanne locale. C’est une filiale de Lactalis.

Le problème est que, derrière le symbole, il y a la réalité. Et la réalité, c’est que le Roquefort est la propriété quasi-exclusive de la multinationale Lactalis.

En 2020, pour le média d’investigation Disclose, la journaliste Inès Léraud a ainsi enquêté sur la main-mise de « l’ogre du lait » sur ce prétendu fromage du terroir. Elle a par exemple démontré que la marque « Société », dont on voit apparaître le logo dans la vidéo de Madame Delga, n’est pas une coopérative paysanne locale. C’est une filiale de Lactalis, qui possède 80% du bâti et du foncier du village de Roquefort-sur-Soulzon, dans l’Aveyron, l’unique lieu de production du fromage Roquefort.

Et Lactalis, comme les autres géants de l’agro-alimentaire sont les premiers à se battre contre toute transparence sur la qualité des produits et leurs impacts sanitaires. C’est pour cela qu’ils sont opposés au nutriscore et intriguent pour en limiter la portée.

Pire encore : ce sont aussi ces multinationales qui agissent auprès des institutions européennes pour limiter voire interdire l’usage du lait cru pour les fromages au niveau européen. Ce sont elles qui mettent les paysans en situation de dépendances en leur imposant, avec la grande distribution, des prix qui les étranglent et en leur imposant des standards qui contribuent à l’uniformisation des productions. Et enfin, ce sont elles qui développent des marques de moindre qualité ou qui développent des stratégies pour habituer les goûts des consommateurs à des produits qui renoncent par exemple au lait cru.

Bref, en s’en prenant à l’une des rares avancées de la majorité à laquelle elle a participé pour jouer la carte de l’authenticité, Carole Delga ne rend pas service au paysans et aux « territoires », au contraire, elle se fait l’alliée des intérêts qui les sabordent.


Pour en savoir plus : « L’Ogre du lait », l’enquête de Disclose.

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