Pour un marché intérieur qui protège la planète et les citoyen·ne·es

Rapporteur sur le marché intérieur durable au sein de la commission IMCO, David Cormand plaide pour une réforme ambitieuse du marché européen. La règlementation doit garantir des produits durables, un numérique sobre, favoriser les entreprises écologiques, notamment les PME, et réguler strictement les pratiques de publicité.

Le constat est sans appel : le marché unique fait face à un défi social et environnemental sans précédent. Les consommateurs font face à des produits de piètre qualité qui ne durent pas et ne sont pas réparables, ce qui creuse leur budget – de façon dramatique pour les plus modestes. L’Europe vit bien au-delà de plusieurs limites planétaires et la consommation européenne est largement dépendante de ressources extraites et utilisées hors d’Europe : il faudrait l’équivalent de 2,8 planètes Terre pour répondre à nos besoins si tous les habitant·e·s de la planète consommaient comme des Européen·ne·s. La crise du COVID-19 a démontré combien nos économies sont fragiles et promptes à s’effondrer face à des chocs soudains. Il est donc fondamental de changer radicalement nos façons de produire et de consommer en Europe.

L’ambition du rapport « Vers un marché unique durable pour les entreprises et les consommateurs » est de montrer le chemin vers un marché unique qui soit au service de l’environnement et des consommateurs. Il comporte ainsi plusieurs mesures-clefs pour parvenir à un changement de paradigme où durabilité et justice sociale prévalent.

S’attaquer à l’obsolescence prématurée des produits

L’obsolescence prématurée des produits concernent l’ensemble des pratiques qui, par volonté ou par négligence, ont pour résultat de raccourcir la durée de vie d’un produit. Or, la durée de vie des produits est la clef de voûte pour préserver le porte-monnaie des consommateurs ainsi que notre planète. On sait en effet que le plus gros de l’empreinte écologique d’un produit résulte de sa phase de production. Multiplier la production de produits médiocres dont la durée de vie est courte est donc bien plus impactant pour l’environnement que de produire moins de produits de bien meilleure qualité avec une longue durée de vie. Combien de fois un ménage doit-il remplacer prématurément un produit et creuser de manière inattendu son budget du mois ?

Nous proposons donc un ensemble de mesures qui permettent de s’attaquer au cœur du problème.

Certaines afin d’informer correctement le consommateur : un affichage obligatoire de la durée de vie et de la réparabilité des produits et l’introduction d’un compteur d’usage permettent une meilleure transparence des performances d’un produit.

D’autres ont pour vocation d’encourager les producteurs à respecter des standards de longue durée de vie des produits en introduisant des règles qui les encouragent à concevoir des produits de qualité. Nous appelons ainsi à l’interdiction claire des pratiques qui visent à raccourcir la durée de vie des produits. L’irréparabilité des produits en empêchant leur démontage ou en gluant la batterie à l’appareil n’ont aucune autre justification que la réduction de la durée de vie. Introduire un défaut lors de la conception du produit, ou encore procéder à des mises à jours qui ralentissent les performances d’un produits sont également inadmissible. Les mises à jour de sécurité doivent être assurées par les concepteurs pour la durée de vie du produit sans être inférieur à 5 ans, et doivent être découplée des mises à jours de confort non essentielle au bon fonctionnement du produit, généralement responsable de ces ralentissement. La responsabilité du producteur se doit d’être renforcée généralement pour faire peser sur eux la charge des frais de réparation et du service après-vente liée à une mauvaise conception du produit qu’ils ont mis en circulation sur le marché et pas seulement au distributeurs, comme c’est le cas actuellement.

Enfin, certaines mesures ont pour vocation de protéger le consommateur en cas de défaut en permettant des moyens et des voies de recours adéquates, avec l’aide notamment des pouvoirs publics et des associations de consommateurs. La garantie légale d’un produit se doit d’être alignée sur la durée de vie estimée du bien, et donc d’être modulée selon la catégorie de produit pour être juste et protéger efficacement les consommateurs.

Instaurer un droit effectif à la réparation

La réparabilité des produits est le pendant de leur longue durée de vie. Plus un produit est facilement réparable et à un prix abordable, et plus il pourra rester en circulation sur le marché sur une longue durée.

L’accès aux informations de réparation et de maintenance ainsi qu’aux pièces détachées est souvent le monopole des producteurs ou des distributeurs et mène à des conditions de réparation déplorables, à des coût et délais de prise en charge prohibitifs pour le consommateur. Il s’agit de rendre ces informations et ces pièces accessibles à tous les consommateurs et réparateurs indépendants pour généraliser le recours à la réparation.

Les pièces détachées doivent par ailleurs être non seulement disponibles pour un certain temps pour permettre la réparation des produits, être livrées rapidement  pour éviter l’immobilisation pour une durée déraisonnable des produits défectueux, et leur standardisation doit être fortement généralisée pour permettre leur interopérabilité et faciliter la réparation des produits.

La réparation doit enfin être encouragée financièrement : en introduisant une garantie légale sur la réparation des biens, cela renforcera la confiance des consommateurs dans les actes de réparation ; en établissant un fond européen de réparation afin de soutenir les réparateurs et les consommateurs.

Le recours à la réparation doit être facilité par l’établissement d’un registre national de réparateurs indépendants pour faciliter leur identification par les consommateurs.

Généraliser l’économie du réemploi

Des produits durable et réparables ont vocation à être réutilisés et à circuler sur le marché. Pour amplifier le marché de la seconde main et du reconditionné, quelques mesures sont clefs :

Interdire la destruction des biens en état de marche afin de les rediriger vers le marché du réemploi, à travers des objectifs contraignants.

Lier la garantie à l’objet et non à l’acheteur, afin de permettre à un nouvel acheteur de bénéficier de sa protection en cas de revente et de renforcer la confiance et l’attractivité du marché de la seconde main.

Développer un système de garantie des produits reconditionnés en complément de la garantie légale pour encourager le recours à ce type de produit.

Encourager des modèles commerciaux basées notamment sur la location de produits à condition que leur impact environnemental soit meilleur que l’achat de des mêmes produits (économie d’usage). Nous connaissons tous les effets désastreux des trottinettes électroniques dans les grandes villes qui polluent nos trottoirs et dont l’impact environnemental est catastrophique.

Mettre le numérique au service d’un marché durable

Il s’agit de s’approprier le numérique pour une véritable transition écologique et sociale.

L’annonce par la Commission européenne de la mise en place d’un espace de données communs et d’un passeport produit est un bel outil qui doit être encouragé. Nous appelons au respect de certaines lignes directrices afin de garantir un système qui soit au service des consommateurs et des entreprises en favorisant une architecture décentralisée, en assurant l’interopérabilité des systèmes informatiques, et en garantissant des hauts standards de protection des données.

Le numérique doit bénéficier au plus grand nombre : son déploiement doit donc être ouvert, et l’accès aux données nécessaire à l’instauration d’une économie circulaire ne saurait être limité par le dépôt de brevets ou les règles de propriété intellectuelle.

Enfin, les technologies numériques ayant vocation à se développer dans un marché unique durable, il convient de garantir que l’empreinte environnementale gigantesque qui y est associée soit reconnue et traitée de façon adéquate. A cet effet, il est essentiel de développer un indicateur environnemental du numérique à l’échelle européenne pour permettre une information plus complète sur des conséquences écologiques de la fabrication et de l’utilisation des appareils.

Faire de la commande public un levier

La commande publique représente 16 % du PIB européen et a un effet d’élan considérable. Le rapport appelle donc à introduire des critères de durabilité pour l’attribution des marchés publics, ainsi que de réserver un pourcentage des marchés attribués à des PME européennes. Il appelle par ailleurs à établir des objectifs d’achat de bien reconditionnés, d’occasion et loués dans les administrations publiques.

La responsabilité du marketing et de la publicité

On ne saurait s’orienter vers un marché durable qui encourage une longue durée de vie des produits et où les consommateurs sont friands de produits reconditionnés, de seconde main, répondant à de hauts standards de qualité, de réparabilité et à faible impact environnementale sans en appeler à la responsabilité du marketing et de la publicité. Celles-ci ont un effet persuasif et prescriptif en matière de ce qui est désirable, contribue à un phénomène d’obsolescence psychologique, et sont l’objet d’un marché de 1700 milliards de dollars par an. Par ailleurs, ce marché ne bénéficie que les acteurs économiques les plus puissants qui ont les moyens financiers d’y recourir, et se fait donc au détriment des PME et des TPE.

Des mesures de régulation contraignantes sont nécessaires. En premier lieu, les fausses allégations environnementales sont à proscrire afin de ne pas tromper le consommateur qui veut consommer de façon durable. Mais plus encore, la publicité pour les services et les produits qui ont des impacts disproportionnellement négatifs pour la santé des consommateurs et l’environnement doivent être interdite sur le modèle des lois Évin en France. Afin de contrebalancer la hausse artificielle de la consommation qu’elle engendre, il serait également juste d’instaurer une taxe européenne sur la publicité et le marketing . Il s’agirait également de permettre un véritable contrôle des acteurs économiques recourant au marketing et à la publicité par les autorités publiques et les associations de consommateurs en rendant publiques les dépenses liées à celles-ci, de façon claire, unifiée et en temps réel. Vu son effet persuasif et à l’origine informatif, il conviendrait de réserver un pourcentage de l’espace publicitaire à moindre coûts pour les acteurs sociaux et environnementaux afin d’encourager la diffusion de bonnes causes. Enfin, le cas particulier de la publicité en ligne qui se base sur le profilage des utilisateurs appelle à une régulation spécifique afin de prévenir le traçage extensif des utilisateurs et le vol de leurs données pour des intérêts commerciaux.

 

Toutes ces mesures ont pour vocation de rendre le marché durable par défaut, en récompensant les entreprises qui innovent et conçoivent les produits durables et de qualité de demain, tout en permettant aux consommateurs de se tourner à moindre effort vers les produits qui sont bons pour leur porte-monnaie et pour la planète.

Consulter le rapport sur le site du Parlement européen : europarl.europa.eu/doceo/document/IMCO-PR-650478_FR.pdf

Retrouvez cet article sur Twitter : https://twitter.com/DavidCormand/status/1259863236716965889?s=20

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