« Une alliance aux européennes produirait un score décevant »

David Cormand, député européen, ancien secrétaire national d’EELV, explique au Figaro pourquoi il défend une liste autonome des écologistes aux élections européennes en 2024.

Alors que les Insoumis plaident pour une liste commune, vous défendez une liste autonome des écologistes aux européennes. Pourquoi ?

David CORMAND. - D'abord, j'accueille avec fierté cette proposition qui est faite d'une liste commune conduite par une tête de liste EELV sur la base des résultats des élections de 2019. Je la prends au sérieux. C'est une forme de reconnaissance de la légitimité politique de notre vision sur l'Europe. Mais je dois aussi rappeler une évidence : les questions stratégiques pour une élection européenne reposent sur les sujets relatifs à l'échelon européen. Or il y a entre une partie de la gauche et les écologistes des différences politiques importantes sur nos visions respectives de l'Union européenne. Est-ce qu'on la conçoit comme une construction souhaitable pour porter la transition écologique, la justice sociale, la paix ou la lutte contre le libéralisme ? Ou est-ce qu'on la considère comme un obstacle, comme quelque chose qu'il faudrait combattre car on considère que l'échelon national est forcément le plus adapté pour agir ? Les écologistes ont toujours considéré que le niveau européen est décisif pour peser sur la marche du monde, en particulier sur les questions géopolitiques, écologiques, fiscales ou des droits humains.

Sur le plan géopolitique, les différences avec les Insoumis sont-elles indépassables ?

Je ne veux pas m'amuser à surjouer les différences, mais il y en a. Par exemple, la Chine et la Russie théorisent explicitement une opposition entre leur projet politique et les valeurs de nos démocraties européennes. Il faut en tirer des conséquences géopolitiques. L'idée des Insoumis d'une France assumant seule une position dite « non alignée » face à ces grandes puissances représente selon moi une impasse et une menace. Une impasse, car aucun pays de l'Union n'a le poids pour peser par rapport à la Chine, à la Russie ou aux États-Unis. Et c'est une menace, car penser cela, c'est au final voir ces grandes puissances acheter à la découpe les uns et les autres. Si nous voulons refuser cette domination, garantir notre souveraineté et porter une vision géopolitique autonome, il n'y a aucune perspective de « non-alignement » effectif de la France - ou des autres pays européens - en dehors de l'Union européenne.

Les Insoumis répliquent pourtant qu'environ 80 % des votes au Parlement européen sont communs aux vôtres...

Sur les votes répertoriés au Parlement européen, il n'y a certes que 20 % de différences. Mais entre les votes des Insoumis et ceux du groupe des macronistes, il n'y en a que 35 % ! Pourtant, ça ne viendrait à l'esprit de personne que LFI fasse une liste commune avec Renaissance. Au Parlement européen, il y a un gros travail de compromis, ce qui permet à une part significative de l'hémicycle de voter souvent en commun. Dans ce contexte, ces 20 % de différences ne sont pas négligeables.

Entendez-vous malgré tout ces Insoumis qui estiment qu'une liste commune permettrait de concurrencer les listes des macronistes et du RN, ce qui enverrait un bon signal pour 2027 ?

Oui, je les entends, mais c'est une erreur d'analyse. Une alliance basée sur le plus petit dénominateur commun dans une logique de citadelle assiégée produirait un score décevant. Comment penser qu'un électeur hostile à l'Union européenne et qui vote d'habitude pour La France insoumise se mette à voter pour une liste conduite par un écologiste fédéraliste ? De la même manière, que feraient des électeurs écologistes et fédéralistes, qui votent pour Europe Écologie justement pour cette raison, avec une liste Nupes qui apparaîtrait du coup hostile à l'Europe ? Le soir du 9 juin 2024, le jour des prochaines élections européennes, c'est la somme des scores de nos listes respectives qui fera notre force.

En revanche, une liste commune avec les socialistes est-elle envisageable ?

Il y a des points de divergences avec LFI que nous n'avons pas avec le PS. Et vice versa d'ailleurs. Ce n'est pas pour rien que nous appartenons à trois familles politiques européennes différentes.

Plaidez-vous pour un pacte de non-agression entre les forces de gauche lors de la campagne à venir ?

Ne pas se tromper d'adversaire est la moindre des choses. Et c'est ce que nous, EELV, avions fait en 2019. Nous combattons clairement la menace d'extrême droite qui est en train de contaminer l'Europe et la dérive libérale et autoritaire du groupe Renaissance qui fait leur lit.

Votre parti souhaite pourtant un candidat commun de gauche en 2027 malgré ces différences sur l'Europe ?

Une coalition gouvernementale n'est pas de même nature que des listes pour élire des députés européens... Les différences ne sont pas forcément un problème pour gouverner ensemble, en revanche elles le sont quand on se présente devant les citoyennes et les citoyens qui doivent pouvoir choisir en fonction de leurs convictions. C'est d'ailleurs la logique de la VIe République que nous voudrions voir advenir. Et par ailleurs, ma conviction est qu'il n'y aura pas de perspective majoritaire en 2027 avec une logique de resserrement défensif dans la Nupes de 2022. Nous ne devons pas nous enfermer, mais au contraire nous déployer.

Serez-vous la tête de liste des écologistes ?

Je ne sais pas encore. C'est un choix qui n'engage pas que moi. Ce que je sais, c'est que c'est bien au niveau européen que je veux continuer de porter nos valeurs écologistes et solidaires.


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