Tenir bon
Pas une ligne de cette note de blog ne sera consacrée à répondre sur le fond (ce que Jeanne Barseghian a fait avec rigueur et brio) à la misérable polémique lancée par Gérald Darmanin, pompier pyromane de la haine.
Qu’on sache cependant que les attaques injustement portées contre la maire de Strasbourg nous laissent avec en bouche les cendres du dégout. J’ai en horreur l’antisémitisme, le racisme, l’intégrisme et tout ce qui ressemble de près ou de loin à une forme de discrimination et de rejet d’autrui. Je vis comme une véritable flétrissure que notre parti soit ainsi mis en cause.
Je dois reconnaitre que ces attaques portent sur notre moral car nous sommes des femmes et des hommes sensibles, dont les valeurs viennent de loin. Rien ne nous est davantage étranger que ces méthodes où tout est permis pour arriver à ses fins : nous pensons que la politique peut et doit être autre chose que le mensonge, le cynisme et la brutalité avançant au bras de la bêtise. Mais j’invite mes camarades à ne pas baisser la tête et à tenir bon sous la mitraille des officines communicantes de LREM et consorts. Il nous faut avancer avec la détermination tranquille de celles et ceux qui pensent que la vérité triomphe du mensonge comme la lumière dissout l’obscurité.
Le bras de fer qui s’engage n’est pas qu’une séquence comme une autre de la bataille culturelle qui nous oppose à la fois aux tenants du pouvoir en place, et aux nostalgique de l’ordre politique ancien. Les premiers veulent nous empêcher d’ôter de leurs mains le flambeau du changement, que le macronisme avait habilement usurpé lors de la dernière présidentielle en travestissant sa soumission aux forces établies en une prétendue révolution disruptive. Les seconds, désirent restaurer l’antique bipolarité droite gauche et ne souffrent pas que l’écologie représente un récit porteur de nouveaux clivages. Notre émergence signe leur décadence. Ils tentent donc de nous excommunier du champ républicain en invoquant sans cesse de nouveaux motifs.
Le programme commun de nos contempteurs ? Mettre à mal l’alternative que nous représentons depuis toujours mais que nous parvenons désormais à incarner électoralement.
Ils veulent tuer ce que l’écologie représente d’espoir, en déversant dans les esprits le poison du doute. Chaque semaine charrie ainsi son torrent de calomnies nauséabondes proférées contre les écologistes. La consigne est claire : il faut nous pilonner sans entrave, nous affaiblir sans relâche, nous discréditer sans remords, nous trainer dans les immondices pour nous souiller d’une fange qui laissera sur notre honneur des tâches indélébiles.
Si les attaques pleuvent en une averse drue, c’est que nous sommes en train de réussir ce que Cécile Duflot appelait la déminorisation de l’écologie politique. Nous ne sommes plus les supplétifs de quiconque, et émargeons au registre des formations politiques qui comptent. N’est-ce pas vers nous que Jean-Luc Mélenchon se tourne, avec toute l’habileté manœuvrière qu’on lui connaît pour feindre de demander l’unité aux élections régionales ? Il faudrait une autre note de blog pour décrypter plus précisément la stratégie esquissée par le candidat de la France insoumise. Mais, en peu de mots, je refuse pour ma part de placer la flamme de l’écologie sous l’éteignoir de l’unité, lorsque celle-ci n’est que le prétexte avancé pour nous circonvenir.
Autant créer un bloc de la transition écologique fait sens, autant la discussion avec des partenaires pour forger des majorités est nécessaire, autant la dilution de la volonté verte dans le pédiluve des combinaisons tactiques est à proscrire. J’y reviendrai. Je résume ainsi l’enjeu de la période pour les écologistes : garder la tête froide et conserver la tête haute. La tête froide pour ne pas céder à la tentation de l’arrogance : notre dynamique est fragile encore, et demande que nous ayons chevillée au corps la volonté d’élargir notre base sociale. La tête haute pour faire face aux attaques : notre cause est belle et exige que nous endurions les épreuves que la bassesse morale de nos adversaires place sur notre route.
Emmanuel Macron a bien identifié le danger que nous représentons : une partie des électrices et des électeurs qu’ils ont trahie, déçue se tournent vers EELV.
A ces femmes et ces hommes qui veulent croire dans la politique et espèrent pour leurs vies, leur pays, et la planète, nous disons bienvenue. Amies, amis, qui nous rejoignez dans le secret de l’isoloir ou pour l’instant dans le huis-clos de votre cœur sachez que le drapeau vert est votre. N’hésitez plus : le changement est à portée de mains. Nous devons garder le cap, sans nous laisser distraire de notre cheminement par les aboiements qui veulent freiner la caravane de l’écologie.
Dans leur course à la conservation du pouvoir, les macronistes sont prêts à tout. Les attaques portées contre nous disent que la panique les gagne. Persuadés de devoir nous détruire, ils en viennent à utiliser le vocabulaire de l’extrême droite. Ce faisant, ils concèdent une défaite d’importance. Car les mots dessinent le monde. L’utilisation à toutes les sauces du concept « d’islamo gauchisme » rend virale la représentation du monde sous tendue par cette expression. Le cheval de Troie de l’extrême droite identitaire a fonctionné. Il avance même au galop.
Une fois ses thèmes de prédilection ainsi légitimés le R.N, se voit accordé ce dont il a le plus besoin pour accéder au pouvoir : la respectabilité. Accepter leur manière de poser les questions, c’est déjà consentir un peu à la recevabilité des réponses qu’ils y apportent. Pourtant le ravalement de vitrine de l’extrême droite institutionnelle ne doit pas nous duper : ils ont toujours en magasin la même marchandise idéologiquement frelatée que les nervis de Génération Identitaire.
On ne combat pas un ennemi en reprenant ses chants de guerre. J’ignore quel stratège a eu la sinistre idée le laisser le R.N imposer les termes du débat et circonscrire le champ de bataille. Mais je sais que c’est inconséquent et criminel.
En reprenant les mêmes mots que l’extrême-droite, en épousant leurs obsessions, et en stigmatisant les mêmes boucs-émissaires, la macronie engage tout la pays sur le toboggan du désastre. La parole décomplexée de Darmanin accélère le glissement de notre société sur une pente dont l’issue mènera à la guerre civile si nous ne nous y opposons pas. Je pèse mes mots. L’irruption d’un groupuscule d’extrême-droite dans le Conseil régional d’Occitanie au nom de la lutte contre « l’islamo-gauchisme », constitue plus qu’un signe. A Lyon la semaine précédente d’autres groupuscules fascistes s’en était pris à une librairie. La côte d’alerte est dépassée.
Le rôle des écologistes est donc de tenir simultanément sur deux fronts.
Premièrement en refusant l’agenda et le récit de l’extrême-droite et en tentant de déplacer le centre de gravité du débat vers les véritables enjeux des temps qui viennent : l’habitabilité de la Terre, l’émancipation humaine, la reprise de contrôle sur ce dont dépend notre subsistance, la solidarité conviviale et fraternelle que nécessite la survie de notre civilisation.
Notre deuxième mission consiste à assumer le leadership politique de l’alternative à construire. Comme je l’ai écrit plus haut, C’est bien par ce que nous sommes identifiés comme étant de ceux qui sont en mesure de relever ce défi que nous sommes vilipendés. Jadis ignoré, hier moqué et maintenant ardemment combattu, notre mouvement dérange chaque jour davantage. La violence qui s’abat sur nous est un signe : c’est la possibilité de notre victoire qui décuple la virulence de nos adversaires.
A nous d’être lucides sur ce moment inédit pour les écologistes.