Le Parlement européen adopte le rapport de David Cormand sur la Banque européenne d’investissement (BEI)

Ce jeudi 7 juillet, le Parlement européen a adopté à une très large majorité (484 à 52) le rapport de David Cormand sur les activités de la Banque européenne d'investissement (BEI). Et, la bonne nouvelle, c'est que le texte validé aujourd'hui en plénière n'a pas été modifié d'une virgule depuis son adoption en commission des Budgets ! Les député·e·s européen·e·s ont donc approuvé sans réserve les remarques et critiques formulées à l'endroit de la BEI. Cette année, en plus des sujets habituels, David Cormand a souhaité mettre l'accent sur l'importance de ne plus financer un modèle agricole destructeur pour le vivant, et cruel envers les animaux. Il a également semblé opportun, au vu de l'actualité, d'appeler la Banque à ne surtout pas s'engager dans le financement de l'exploitation minière des fonds marins.

Pour les écologistes, ce rapport annuel est l’occasion de mettre en avant les priorités que doit poursuivre la BEI, et c’est crucial, puisqu’elle est le bras armé de l’Union : en 2021, la banque a débloqué des financements à hauteur de 95 milliards d’euros.

L’une des priorités de David Cormand a notamment été le soutien financier à apporter à l’Ukraine. La BEI a fait preuve de réactivité dans ce contexte en débloquant 668 millions d’euros d’aide humanitaire notamment, et en prévoyant 1,3 milliard supplémentaires, afin de soutenir les Ukrainiennes et Ukrainiens. La commission des budgets a largement salué cette réponse rapide.

Alors que la pandémie de Covid-19 continue, les eurodéputé·es ont appelé à utiliser tous les instruments possibles pour les besoins de financements, notamment pour développer les vaccins. C’est particulièrement vrai pour les besoins hors de l’Union européenne, comme l’ont rappelé les échanges en commission des Budgets ce mardi 17 mai.

Toutefois, la guerre en Ukraine et la pandémie nous rappellent toutes deux une chose : l’urgence d’enclencher la transition écologique. Que ce soit pour préserver la biodiversité, ou pour ne plus dépendre des énergies fossiles, la BEI a tout son rôle à jouer pour, enfin, être réellement la Banque du Climat de l’UE. La « Climate bank roadmap » publiée en 2021 est une première étape, mais seule, elle n’est pas suffisante.

Au-delà des engagements déjà pris par la Banque (voir les articles précédents), David Cormand a suggéré plusieurs pistes pour concrétiser ces engagements.

Depuis des années, le Parlement appelle à plus de transparence pour les prêts gérés par les intermédiaires, et le rapport de cette année a insisté sur l’importance de pouvoir contrôler l’impact de ces prêts en terme de droits humains. Il est également crucial que les intermédiaires financiers, par lesquels transitent environ un tiers des prêts, aient des plans de décarbonation viables et crédibles mis en place en 2025 au plus tard.

Sur certains sujets, il a fallu engager des bras de fer avec les autres groupes pour atteindre le texte le plus ambitieux possible. Les financements dans le secteur de l’agriculture ont présenté un sujet de tension majeur. Pour David Cormand, la BEI ne devrait financer que des projets d’agriculture durable, et qui respectent le bien-être animal (en particulier comme adopté dans le rapport de la Commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport). Les autres groupes étaient tout d’abord réticents à intégrer cette formulation, mais le texte final reste ambitieux car il appelle à ne financer aucune forme d’agriculture industrielle et à s’aligner sur les standards européens de bien-être animal. Surtout, c’est la première fois qu’un rapport sur la BEI intègre une telle demande !

David Cormand souhaitait aussi encourager la Banque à s’engager plus fermement pour protéger la biodiversité, et pour que chacun des projets qu’elle finance aille en ce sens : pour cela il est crucial de mettre fin à la logique de compensation carbone, un instrument tout à fait inadapté à l’urgence de l’extinction de masse, tant il repose sur une logique de marchandisation de la nature : détruire un écosystème ne peut pas être compensé en plantant quelques arbres ailleurs dans le monde ! Les rapporteur.es fictif.ves n’ont pas suivi cette ligne, mais un compromis a été trouvé pour exclure les projets de compensation carbone des zones protégées et les zones à forte biodiversité.

Le texte final intègre un tout nouveau sujet par rapport aux années précédentes : l’exploitation minière des fonds marins. David Cormand a, en effet, réussi à demander à ce que la BEI ne puisse « pas financer ni contribuer de quelque manière que ce soit au développement de l'exploitation minière en eaux profondes ». Au vu des milliards d’euros prévus dans le plan « France Relance » pour l’exploration des fonds, et les velléités d’en exploiter les richesses, il était important de souligner cette position intransigeante pour la protection de la biodiversité marine.

Les échanges sur la transparence et le suivi des projets hors de l’Union ont été parmi les plus difficiles, tant les autres groupes politiques ont émis des résistances. La BEI étant présente en-dehors de l’UE, et ces projets représentant 10% du total de ses opérations, il est pourtant indispensable d’y prêter une attention toute particulière.

Les écologistes ont notamment alerté sur la baisse de la transparence dans la publication des projets en amont de leur approbation par la Banque : l’ONG Bankwatch a remarqué qu'en 2010, 96.1 % de l'ensemble des projets étaient publiés trois semaines avant l'approbation du conseil d'administration, et que ce n’était plus le cas que pour 60 % des projets en 2020. La Banque justifiait cette baisse par une plus grande implication du secteur privé dans les prêts, dont le secret des affaires expliquerait cette moindre transparence... Le secret des affaires est-il une excuse suffisante pour ne pas se justifier de l’utilisation de l’argent public ? Les conservateurs étaient de cet avis, mais David Cormand a tout de même réussi à intégrer cette critique au texte.

Le rapport final voté en cette session plénière de juillet est donc très positif et souligne tout à la fois les avancées manifestes de la Banque, et les limites de ses politiques, qui ne font toujours pas d’elle la fameuse « Banque du Climat ».

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