Elections européennes 2024 : NUPES, des listes et des sièges

Débat tactique et stratégique pour « la gauche » aux élections européennes 2024 : NUPES, unité, dynamique, visions de l’Union européenne, sondages… Qu’en penser ? David Cormand livre sa réflexion dans un thread Twitter, reproduit ci-dessous.

Rappelons qu’il n’y pas de vérité révélée, et qu’autrement dit, on a bien le droit d’en penser ce qu’on veut, pour peu que ça vous intéresse. Il n’y a pas d’argument d’autorité qui vaille sur ce sujet.

Rappels historiques

En revanche, sur le fond et la question de ce que l’on projette politiquement sur l’Union européenne, prétendre qu’il n’y a pas de différences « à gauche » qui justifieraient des propositions différentes aux élections européennes me paraît objectivement faux.

On peut dire que malgré cela, cela ne justifie pas, pour des arguments de communication franco-française, de proposer des listes et des projets distincts… Mais sur le fond, des différences politiques et historiques existent. D’ailleurs, ces différences - à l’intérieur de la gauche d’inspiration marxiste et sociale-démocrates - structurent depuis longtemps les débats dans cet espace politique.

La France Insoumise en sait quelque chose puisque le « schisme » entre Jean-Luc Mélenchon et le Parti Socialiste vient précisément de la question européenne avec l’onde de choc qui a suivi le débat sur le référendum de 2005 en France sur le Traité Constitutionnel Européen. C’est un fait historique et politique qu’il faut prendre au sérieux. Il ne s’agit pas de le sacraliser, mais il s’agit aussi de l’assumer comme « acte fondateur » pour une partie des milliers de personnes qui ont accompagné la création du Parti de Gauche, puis de La France Insoumise.

Du côté des écologistes, ce débat Oui/Non au TCE a été dépassé et sublimé dès 2009 avec la création d’Europe Écologie qui a rassemblé à la fois les partisans du « oui » et les partisans du « non » sous une même bannière fédéraliste. C’est ainsi que, pour les élections européennes, ont pu - et peuvent - se réunir de manière cohérente l’ensemble des personnes qui souhaitent changer l’UE grâce au fédéralisme pour d’avantage de solidarité, de démocratie et de droits humains au service d’un projet écologiste.

Liste unique = moins de sièges au Parlement européen

Maintenant, voyons la proposition de LFI : une liste NUPES, conduite par une tête de liste EELV et sur la base des résultats de 2019 (Pour rappel : 13% pour EELV, 6,5% pour le PS et LFI, 2% pour le PC). Il faut prendre cette proposition au sérieux et avec respect. Car elle a une signification forte :

  1. La reconnaissance de la légitimité politique d’Europe Écologie-Les Verts sur l’Europe

  2. Une « répartition » très « avantageuse » pour EELV.

(Au passage, si EELV était dans une approche « boutiquière » et « opportuniste », comme je l’entends parfois, nous nous précipiterions sur cette « offre »…)

Alors pourquoi ne pas y être favorables ?

D’abord, par ce que le sens politique d’une telle stratégie s’inscrit dans une logique franco-française interne à « la gauche ». Or, il s’agit d’une élection européenne. Dans un autre thread Twitter, Mélanie Vogel, co-présidente du Parti Vert européen et sénatrice, explique d’ailleurs fort bien les choses (c’est à lire ici).

Voyons maintenant les fameux sondages… Ci-dessous, celui réalisé par Ifop pour le Journal du Dimanche, avec des projections en sièges - selon que les partis de gauche présentent une liste NUPES ou des listes séparées.

Projection Ifop en sièges pour une liste NUPES commune

Projection Ifop en sièges pour des listes séparées à gauche

Les sondages disent à peu près la même chose :

  1. Avec des listes séparées, les forces qui composent la NUPES arrivent très largement en tête du paysage politique (28 sièges en tout).

  2. Avec une liste « unique », les forces qui composent la NUPES font moins de points que séparément, et ne sont donc pas sûres d’arriver en tête aux élections européennes.

Dès lors, les forces qui composent la NUPES obtiendraient significativement moins de député•es européen•nes avec une seule liste qu’avec plusieurs listes. Elles pèseraient donc moins au Parlement européen que ce soit dans l’hémicycle ou dans leurs Groupes respectifs.

En effet, au Parlement européen, les forces qui composent la NUPES appartiennent à trois familles politiques européennes distinctes et siègent dans trois groupes différents : le Parti Socialiste et Place Publique chez les Socialistes & Démocrates, EELV chez les Verts/ALE, et la France Insoumise et le Parti Communiste ensemble à La Gauche.

D’autres chemins pour gagner en 2027

Donc, quel est l’avantage ?

Le seul avantage avancé principalement par LFI pour tout de même défendre mordicus cette liste NUPES aux européennes serait absolument indispensable pour maintenir un espoir d’unité victorieuse pour 2027. Le problème que j’ai avec cette idée, c’est qu’elle repose sur un postulat à mon avis contestable : la NUPES 2022 serait le seul récit politique unitaire porteur de victoire possible en 2027. Or, si la NUPES a été une stratégie défensive nécessaire et utile en 2022, elle ne saurait demeurer en l’état le creuset en capacité de recueillir l’élargissement politique électoral indispensable pour espérer gagner en 2027 !

Et c’est précisément ce que démontrent ces deux sondages : ce n’est pas l’uniformité de la NUPES qui offre un périmètre politique dynamique d’élargissement, mais au contraire la diversité des forces qui la composent… Être dans le déni par rapport à ce fait politique, c’est de mon point prendre le risque de s’enfermer dans une vision unitaire NUPES statique de citadelle assiégée. Or, cette manière de nous voir nous-mêmes et ce que cela traduit en terme de message politique est à mon avis l’exact contraire de ce qu’il faut faire, non seulement au niveau européen, mais aussi au niveau français pour 2027 !

Un nouveau rêve européen

Pour conclure, je pense que le rôle des écologistes dans cette campagne européenne sera de continuer de l’orienter sur les questions en rapport avec l’Union européenne pour ne pas enfermer « la gauche » dans un débat nombriliste et tacticien.

Il sera surtout de combattre et dénoncer la menace d’extrême-droite et illibérale qui pèse plus que jamais sur l’Union européenne en portant un nouveau rêve européen écologiste et fédéraliste.

Il sera aussi de dévoiler l’imposture libérale de LREM qui a, en France comme au niveau européen, renoncé non seulement à défendre des avancées écologistes, mais aussi le fédéralisme européen en pactisant avec une Droite européenne à la dérive.

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