Face aux crises, la nécessité d’une Taxe sur les Transactions Financières

L’invasion russe en Ukraine provoque des impacts sans précédents sur l’économie européenne. Pour y répondre, les parlementaires européens souhaitent renforcer les capacités d’action de l’UE. Parmi les instruments évoqués, une bonne surprise : c’est le retour de la Taxe sur les Transactions Financières !

Jeudi 19 mai, en plénière, les parlementaires européens ont appelé à la création ou au renforcement d’un ensemble d’instruments pour pallier les conséquences socio-économiques de la guerre, comme lors de la crise du COVID. Le texte approuvé par les parlementaires ce jeudi 19 mai est une « motion de résolution commune » rédigé par une majorité de groupes politiques. Ce texte ne fait pas loi : c’est avant tout un geste politique, une façon d’exprimer une intention. Et, aux rayons des intentions, le chapitre sur les ressources propres est particulièrement intéressant à souligner.

Pour rappel, les ressources propres constituent des recettes de nature fiscale (taxe, impôts) affectées à l’Union pour financer son budget. La création de ressources propres est un combat mené de longue date par le Parlement européen et les défenseurs d’une Union forte et autonome. En effet, créer de nouvelles « ressources propres », comme on les appelle dans le jargon bruxellois, permet une triple prouesse :

  • Cela renforce le budget de l’Union européenne.

  • Cela renforce la démocratie européenne en limitant la dépendance vis-à-vis des États membres (qui sont aujourd’hui ceux qui alimentent à 75% le budget, avec les impôts payés par les ressortissants des différents pays).

  • Mais surtout cela permettrait enfin d’assurer plus de justice fiscale en faisant payer ceux qui aujourd’hui échappent à l’impôt.

 

En 2020, le Parlement européen est parvenu à se mettre d’accord avec le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne pour lancer la création de nouvelles ressources propres. Ceci devait permettre avant tout de rembourser le plan de relance et les 750 milliards d’euros empruntés par l’Union, afin de faire face aux conséquences de la crise du Covid.

Cette « feuille de route » prévoyait, d’une part, la création d’un premier « panier » de ressources propres. Avec six mois de retard, la Commission européenne avait fait une proposition pour ce premier panier, dont nous avions déploré le caractère limité en décembre 2021. (👉 Lire l’article)

D’autre part, si la feuille de route mentionnait une taxe sur les transactions financières (TTF), le vocabulaire était resté trop évasif pour faire croire en la création d’un instrument pourtant si nécessaire :

Extrait de l’accord entre le Parlement, la Commission et le Conseil sur la création de nouvelles ressources propres

C’est là que la résolution commune votée par le Parlement devient un geste politique d’importance.

 

Alors que la TTF était une piste esquissée uniquement au conditionnel en décembre 2020, le Parlement a cette fois clairement appelé à l’inclure dans le prochain « panier » de ressources propres.

Extrait de la motion de résolution commune adoptée par le Parlement ce jeudi 19 mai 2022.

En outre, les parlementaires demandent à la Commission de faire une proposition de deuxième panier de ressources propres avant décembre 2023, et non à partir de 2024 comme écrit dans l’accord de décembre 2020.

Comme le rappelle Oxfam, la Taxe sur les Transactions Financières est « un impôt destiné à réguler les échanges d’actions sur les marchés financiers ». Dans les cartons depuis des années au niveau européen, cette proposition est au point mort au niveau européen, à cause du manque de courage politique et par absence d’unanimité parmi les États membres.

Pourtant, elle permettrait de récolter des milliards d’euros tous les ans, sans en faire peser un centime sur le dos du contribuable. 

La balle est à présent dans la camp de la Commission et des Etats membres. Il revient en effet à la Commission de formuler une proposition législative, et aux Etats de valider cette proposition à l’unanimité… autrement dit une mission (quasi) impossible, tant certains Etats voudront bloquer cette avancée à tout prix.

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