Plan de sobriété du gouvernement : une goutte d’eau dans un océan de besoins

La Première ministre a présenté en octobre son plan de sobriété censé nous permettre de surmonter la crise énergétique provoquée par la guerre d’agression de l’Ukraine par la Russie. Cela fait suite à la décision des états membres de l’Union européenne de réduire leurs consommations de gaz et d’électricité. Autant le dire tout de suite, la réponse des autorités publiques n’est pas à la hauteur des enjeux.

Juste avant la guerre d’agression de l’Ukraine il y avait en Europe 37 millions de ménages en situation de précarité énergétique (c’est à dire qui consacrent plus de 10 % de leur budget aux factures d’énergie).

Sur la métropole de Rouen, les projections montrent pour 2023 un doublement du nombre de ménages basculant dans la précarité énergétique. Par ailleurs les dépenses énergétiques de l’ensemble des acteurs du territoire : habitants, collectivités, entreprises, devraient s’accroître de 98 % en 2023 par rapport à 2022 en dépit du « bouclier énergétique » !

Si on veut éviter une catastrophe sociale et économique il faut mettre en place des mesures plus fortes et plus ciblées.

Dans cette optique, EELV propose la mise en place d’un chèque énergie de 1.000 € pour les ménages les plus précaires et un forfait mobilité du même montant pour les salariés.

Mais au-delà de ma formation politique, la société civile est aussi force de proposition.

L’association Négawatt a identifié 50 mesures qui permettraient en deux ans d’économiser 13 % de nos consommations d’électricité, de gaz et de fuel, soit environ 60 TWh d’énergie primaire (1 TWh correspondant à 1 million de MWh ou 1 milliard de KWh). Cette association regroupe 1.400 acteurs de la rénovation énergétiques et du développement des énergies renouvelables.

Ce chiffre de 60 TWh est important, car c’est à peu de chose près ce que pourraient produire les 6 nouveaux EPR voulus par Emmanuel Macron d’ici à 2035 au prix faramineux de 56 milliards d’euros. Encore faut-il qu’ils réussissent à finir le prototype de Flamanville, tenir le budget du nouveau programme et les délais.

Je mets en relation le programme d’économie d’énergie proposé par Négawatt et celui de construction des 6 EPR voulus par le Président car la Première ministre a cru bon, lors de la présentation de son plan de sobriété, de promouvoir « une transition maîtrisée vers un mix énergétique décarboné ». Précision utile, le lobby du nucléaire avance dorénavant masqué en parlant d’énergie décarbonée plutôt que de parler de nucléaire.

On mesure bien les deux visions de la société qui s’affrontent.

D’un côté la société écologiste qui accorde la priorité à la sobriété couplée à l’efficacité énergétique et au développement des énergies renouvelables, de l’autre le Gouvernement et les lobbys qui cherchent à tout prix à imposer leur programme de développement du nucléaire.

Rappelons les chiffres. Le Gouvernement veut dépenser 56 milliards pour construire 6 EPR, dont deux en Normandie, qui produiront 60 TWh d’électricité que l’on pourrait économiser en deux ans en mettant en œuvre les préconisations de Négawatt.

En contrepartie de ces 56 milliards le Gouvernement a annoncé 150 millions pour la rénovation énergétique soit 0,15 milliards.

Si on veut faire disparaître la précarité énergétique et contenir nos émissions de gaz à effet de serre il faudrait rénover 700.000 logements par an représentant un investissement annuel de 25 milliards. A l’échelle européenne ce sont 30 millions de logements qu’il faudrait rénover pour supprimer les passoires énergétiques, pour un coût global d’environ 900 milliards d’euros.

Les sommes en jeux sont vertigineuses.

Raison de plus de ne pas gaspiller les ressources publiques en voie de raréfaction pour des « éléphants blancs » tels que le nouveau programme d’EPR (L’expression désigne une réalisation, un ouvrage de grande ampleur et de prestige, la plupart du temps initiée dans le domaine public, et qui s'avère plus onéreuse qu'utile).

Chaque euro d’argent public doit être consacré à une dépense utile : rénover pour économiser l’énergie, produire des énergies renouvelables pour sortir du fossile et du nucléaire, mettre en place des aides ciblées pour les plus modestes frappés par la précarité énergétique.

Sur une tout autre échelle, mais tout aussi signifiant, l’État annonce vouloir soutenir le covoiturage, souvent la seule alternative pour les habitant.es des zones rurales et péri-urbaine.

Il propose la somme « faramineuse » de 100 € pour l’inscription sur une plateforme de covoiturage, mazette ! Depuis plus d’un an, la métropole de Rouen a mis en place un dispositif d’aide au covoiturage qui aide à la même hauteur, tous les mois, pas seulement une seule fois, les utilisateurs de service de covoiturage Klaxit.

L’État a définitivement un problème de logiciel.

Il saupoudre quand il faut cibler les dispositifs au bénéfice des plus fragiles.

Il recourt à des mesurettes quand il faut accélérer et massifier sur la rénovation thermique.

Il parle en creux de développer le nucléaire au moment où la sobriété énergétique devient une évidence.

Il n’y a malheureusement pas grand-chose à espérer de ce Gouvernement qui semble plus à l’écoute des lobbys économiques du siècle passé que des attentes des générations futures.

Pour notre région, la Normandie, la vision du Gouvernement est toujours plus d’énergie fossile avec un terminal méthanier au Havre et de nucléaire avec deux réacteur EPR à Penly.

Une tragédie.


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