Suspension du plan Ecophyto : « Le gouvernement est à côté de la plaque »
Pour répondre à la colère des agriculteurs, le gouvernement a annoncé la suspension du plan Ecophyto. Concrètement, il s’agit d’un ensemble d’aides et d’accompagnements destinés aux agriculteurs avec pour visée finale la sortie des pesticides. David Cormand, député européen au sein du Groupe des Verts/Alliance libre européenne, explique à Actu.fr son mécontentement vis-à-vis de cette décision.
L’interview 👇
Que pensez-vous des annonces faites pour calmer les agriculteurs ?
J'en pense qu'il n'y a aucune sortie de crise dans ce qui est proposé. On continue, encore et encore, de radoter les poncifs d'un modèle qui détruit la nature et les paysans. On fait croire aux agriculteurs que les ennemis, ce ne sont pas les distributeurs mais les écologistes, qui ne les laissent pas utiliser les produits chimiques qu'ils veulent, cultiver comme ils veulent, etc.
Beaucoup d'agriculteurs sont embêtés avec les normes et la manière dont elles sont mises en œuvre, mais sont lucides là-dessus. Et puis, ce n'est pas comme si cela pouvait compenser un modèle économique qui pénalise encore et toujours les paysans.
Suspendre le plan Ecophyto, est-ce une bonne idée ?
C'est quand même fou de faire payer l’inconséquence de ce gouvernement et des précédents sur la filière agricole à l’environnement. Là, pour maintenir la filière agricole telle qu'elle est, c'est-à-dire, dont les profits sont, pour la plupart, captés par la grande distribution, l'agro-industrie et l'agro-chimie, et donc volés aux paysans, on fait passer la pilule en leur disant qu'on va les laisser dégrader la nature. C'est un énorme problème selon moi car on s'enferme encore plus dans ce qui est en train de tuer la nature, l'environnement, et, par ricochet, l'agriculture en elle-même. Le plan Ecophyto 1 n'avait pas une ambition folle. Et il n'a jamais été vraiment respecté. Le plan Ecophyto 2 était un peu mieux, mais toujours non-contraignant. Là, même les agriculteurs qui se disaient "allez, je me lance sans pesticides" vont laisser tomber. Le message, c'est un peu "non non, continuez !" Ça pose un problème de confiance entre les consommateurs et les agriculteurs.
On ne peut pas être plus à côté de la plaque, c’est une régression folle. Ce n'est pas seulement anti-écolo, c’est débile et stupide.
C'est d'autant plus ironique qu'il y a quelques jours, le Président appelait au "réarmement démographique", alors que l'on sait que la fertilité des hommes et des femmes est liée à notre exposition aux molécules chimiques. Elles ne sont pas toutes issues de l'agriculture, évidemment, mais certaines si. Décider de maintenir dans l'environnement la diffusion de molécules problématiques ne va sûrement pas améliorer la fertilité des gens.
Certains agriculteurs sont contents de cette décision...
Oui, mais il ne faut pas oublier que ce sont eux les premières victimes de la dégradation de la biodiversité, largement aggravée par l'usage de produits phytosanitaires. Selon moi, le problème agricole n'est pas là.
Il est où alors, le problème ?
Le problème principal est au niveau des revenus. Il faudrait sanctuariser ceux des paysans et obliger à ce que leurs produits soient achetés au juste prix. C'est la loi Egalim, mais elle n'est pas suffisamment bien appliquée. Il faudrait aussi contrôler les marges. Au-delà d'un certain taux proposé par les acheteurs, on dit stop.
Tout tourne autour des revenus, donc. La seule raison pour laquelle un secteur passe de 5 millions à 500 000 en 60 ans, c’est que les gens ne gagnent plus leur vie.
Est-ce que cela peut avoir un impact au niveau de l'Europe ?
Il y a déjà un impact oui. Ça entame la parole de la France. Emmanuel Macron s’était posé comme un des porteurs du Plan vert européens. Là, aux yeux des partenaires européens, on bascule du côté de ceux qui jusqu’à présent demandaient la fin du pacte vert, soit la Droite et l’Extrême droite. Quelle crédibilité la France va avoir désormais quand elle parlera de transition écologique ? Aucune !
Interview complète à lire sur Actu.fr.