S'il n'y avait pas eu le score des Verts en 2019, il n'y aurait pas eu le Green Deal
A près d'un mois de l'élection européenne, l’AFP s’intéresse à la place réduite accordée aux questions environnementales, pourtant jugées prioritaires par une majorité d'électeurs.
Ukraine, Gaza, immigration, sécurité, pouvoir d'achat, certains sujets se sont imposés d'eux-même dans la campagne, poussés par l'actualité ou par certains partis, mais la transition écologique reste encore peu évoquée, alors que le sujet est plus que jamais sensible.
La tête de liste écologiste française Marie Toussaint, à la peine dans les intentions de vote (entre 7 et 8%), répète qu'après avoir eu "le vent dans le dos" lors de l'élection de 2019, où Yannick Jadot avait convaincu 13,4% des électeurs, les écologistes ont "désormais le vent de face".
En cause selon elle: la bataille des droites et de l'extrême droite contre les politiques climatiques, et la stigmatisation, voire la "criminalisation" des défenseurs de l'écologie par le gouvernement, à qui elle reproche de "grands reculs environnementaux".
Les écologistes, actuellement le quatrième groupe au Parlement européen avec 72 élus, risquent un net déclin le 9 juin prochain par rapport à 2019. Selon Europe Elects, plateforme de compilations de données électorales, les projections d'avril 2024 leur donnent 48 eurodéputés.
"La droite et l'extrême droite ont fait du combat contre les écologistes leur nouvel horizon", confirme l'eurodéputé belge Philippe Lamberts. "Leur cible c'est la transition écologique, la meilleure illustration étant leur instrumentalisation de la révolte des agriculteurs pour remettre en cause le Pacte vert", remarque-t-il.
Pour Mélanie Vogel, vice-présidente du Parti vert européen, il y a une tentative de "la droite, de l'extrême droite et des libéraux, de dire +les gens en ont marre de l'écologie, il faut une pause environnementale+", reconnait-elle, "mais quand on regarde les études, ce n'est pas vrai que les gens en ont marre des politiques climatiques".
Mais l'eurodéputée luxembourgeoise Tilly Metz fait valoir qu'"avec les multiples crises qu'on a connues, pandémie, inflation, invasion de l'Ukraine, guerre dans la bande de Gaza, les gens sont confrontés à beaucoup d'angoisse", non seulement par rapport aux guerres, mais aussi "l'insécurité énergétique, l'insécurité du pouvoir d'achat".
"A ce moment-là, quand il y a un mouvement écologique qui dit: +nous en a les solutions, mais pour cela, il faut un peu changer de modèle, de style de vie+, ça fait peur aux gens", reconnait-elle.
"On peut être convaincu de l'importance de la question climatique, mais dans ses tripes, être rétif au changement", abonde Philippe Lamberts. "On doit être capable d'expliquer comment les épaules les plus larges (les plus riches, ndlr), vont porter la plus grande partie de l'effort" de la transition.
L'angle par lequel les questions environnementales sont abordées est différent de 2019, souligne Mélanie Vogel, mais les principales préoccupations des européens "restent liées à des sujets où l'écologie est la solution", comme la crise du pouvoir d'achat liée "majoritairement à l'inaction climatique, qui rend énergie, nourriture et mobilité trop chères", ou la guerre en Ukraine qui a mis en avant "que l'investissement dans les renouvelables peut réduire la dépendance au gaz russe et assurer la paix sur le continent".
Pour Tilly Metz, il faut "faire mieux dans notre communication", pas seulement avec des faits scientifiques, mais "en étant à l'écoute des angoisses des gens".
Mais pas question pour l'eurodéputé français David Cormand de laisser croire que d'autres partis pourraient faire mieux en terme d'écologie. "S'il n'y avait pas eu le score des Verts en 2019, il n'y aurait pas eu le Green deal. Les socio-démocrates, ils ne l'ont jamais fait", insiste-t-il, alors que le candidat PS/Place publique Raphaël Glucksmann grignote des voix à sa tête de liste.
Mélanie Vogel reste optimiste: même si les écologistes européens risquent de perdre des sièges, notamment allemands et français, elle espère "avoir des élus de pays qui n'avaient jamais eu de représentants verts au parlement", comme la Croatie, la Lituanie, la Lettonie, la Hongrie ou la République tchèque.
"Si on a un groupe plus petit, mais qu'on s'élargit géographiquement, ça voudra dire que l'écologie politique n'est plus un truc de pays riches".