Corruption au Parlement européen : prenons des mesures pour redonner confiance en nos institutions (tibune)

Après le scandale de corruption au Parlement européen lié à des pays comme le Qatar ou le Maroc, des sénateurs, députés et députés européens de gauche appellent à des mesures urgentes pour lutter contre l’ingérence d’États tiers dans nos politiques publiques. David Cormand co-signe cette tribune.

Année après année, le fossé entre citoyens et élus s’accroît. Dans nos démocraties, la confiance des populations a laissé place à la défiance. Preuve en est : en 2021, dans un sondage OpinionWay réalisé pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), les Français interrogés affirmaient ne pas avoir confiance en l’Union européenne à 58 %. Le Sénat et l’Assemblée nationale ne faisaient pas mieux, avec respectivement 61 % et 62 % des personnes interrogées qui ne leur accordaient pas leur confiance. La montée récurrente de l’abstention en est l’une des démonstrations les plus flagrantes et montre la fatigue civique qui prédomine dans les démocraties et alimente, par ailleurs, la montée de l’extrême droite. Les raisons en sont multiples certainement, mais les scandales du type de celui, récent, au Parlement européen, ne manquent pas d’y contribuer avec une efficacité redoutable. Nous devons agir et vite.

Plusieurs pays, dont le Qatar et le Maroc, sont accusés d’avoir acheté des députés européens. Ces deux pays passaient vraisemblablement par des groupes d’intérêts ou par des ONG pour offrir des cadeaux à des élus. Les présumés corrupteurs sont identifiés : Mohamed Belahrech, alias « M118 », qui aurait fait le lien entre l’ex-député européen Pier Antonio Panzeri et les services secrets marocains de la DGED ; Abderrahim Atmoun, l’ambassadeur du Maroc à Varsovie, qui serait chargé d’offrir des cadeaux aux élus ; Ben Samikh al-Marri, ministre qatari soupçonné d’avoir influencé la vice-présidente grecque du Parlement européen, Eva Kaili ; Ali bin Fetais Al-Marri, procureur général du Qatar, soupçonné d’être impliqué dans plusieurs affaires de malversation, car après avoir touché Bruxelles, l’onde de choc se propage jusqu’en France où le procureur du Parquet National Financier a déjà reçu un signalement pour faits de corruption. Des levées d’immunité de parlementaires européens sont encore en cours.

Rétablir la confiance

« Ces allégations sont extrêmement préoccupantes. C’est une question de confiance dans les personnes au cœur de nos institutions. Cette confiance suppose des standards élevés d’indépendance et d’intégrité », a indiqué la présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen. Face à ses lacunes manifestes, le Parlement européen a, le 15 décembre dernier, adopté une résolution pour une plus grande transparence des institutions de l'UE, pour le renforcement la lutte contre la corruption et la mise en place d’une commission d’enquête.

À l’Assemblée nationale et au Sénat, alors que les outils sont moindres qu’au Parlement européen, des mesures urgentes pour lutter contre l’ingérence d’États tiers s’imposent.

Les solutions existent : en premier lieu le renforcement du répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), en place depuis 2017. Entreprises, associations, et même tous gouvernements (ou ambassades) non européens devraient être obligés de s’y enregistrer. Les représentants d’intérêts, quels qu’ils soient doivent être contraints de donner davantage d’informations sur leurs clients, leurs actions de lobbying et les moyens qui y sont alloués. De même, en miroir de ces mesures, les élus doivent être contraints de rendre publiques toutes rencontres de lobbys. À l’instar de ce qu’ont demandé les députés européens, dans chacune de nos assemblées, une commission spéciale doit être mise en place pour lutter contre la corruption et l’ingérence dans les décisions politiques. Un contrôle des activités des groupes d’amitiés devra être assuré. Enfin, nous appelons à un renforcement des condamnations, en cas de corruption ou tentative de corruption avérée.

Ces propositions ne sont bien sûr pas exhaustives. Elles sont cependant un préalable pour que nos concitoyens retrouvent confiance en leurs élus et en leurs institutions.


Tribune et liste des signataires à retrouver sur le site de Marianne.

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