« Avoir peur des IA, ce serait avoir une attitude un peu infantile, s’en réjouir, ce serait avoir une attitude un peu naïve »
Pour ICI L’EUROPE, sur Public Sénat et France 24, David Cormand, député européen Verts/ALE, a débattu avec sa collègue danoise Karen Melchior (Renew) des intelligences articielles. Une intelligence inhumaine nous envahit et nous inquiète. Une intelligence artificielle (IA) qui génère des images plus vraies que nature comme, celles d'Emmanuel Macron qui ramasse les poubelles, de Donald Trump qui se fait arrêter ou encore le pape François vêtu d’une doudoune blanche. Ces photos trafiquées en ont leurré plus d’un, car leur trucage est presque indétectable. Faut-il se réjouir ou avoir peur de la révolution de l'IA en Europe ?
« Au 21e siècle, la question du contrôle des données et de l’intelligence artificielle, cela sera l’équivalent de la maîtrise des matières premières fossiles à la fin du 19 et du début du 20e siècle », soutient David Cormand. C’est dire si les enjeux sont colossaux. L’eurodéputé français écologiste souhaite que l’Union européenne aborde l’intelligence artificielle de manière pragmatique et lucide. « En avoir peur, ce serait avoir une attitude un peu infantile, s’en réjouir, ce serait avoir une attitude un peu naïve. »
« Juste interdire de nouvelles technologies parce qu’on ne les connaît pas, ça ne va pas »
Si les nouveaux systèmes d’IA sont capables de répondre clairement en plusieurs langues à des questions complexes, d’écrire des sonnets ou de rédiger un article scientifique, le surgissement d’images générées par les IA sur les réseaux sociaux, comme celle où l’on voit Donald Trump arrêté ou encore Emmanuel Macron ramassant les poubelles, font craindre tous les détournements, et brouille encore un peu plus les frontières de vérité.
L’IA détournée par l’extrême droite allemande
En Allemagne, l’extrême-droite de l’AFD a déjà commencé à en faire un usage régulier à des fins de propagande, générant des images anti-migrants ou climatosceptiques. En Chine, l’IA devra « refléter les valeurs socialistes fondamentales ». « L’utilisation de l’IA que ce soit à des fins totalitaires dans des régimes totalitaires pour contrôler la population et la surveiller ou que ce soit dans des régimes démocratiques pour influencer le vote des citoyens et des citoyennes, c’est un danger, ce sont les deux faces d’une même pièce et d’un même danger », alerte David Cormand.
Ne pas interdire mais encadrer
L’Italie l’a d’ailleurs interdit au mois de mars, reprochant à l’éditeur de l’intelligence artificielle de ne pas assez protéger assez les informations des utilisateurs. Une mauvaise réponse selon l’eurodéputée Renew danoise, Karen Melchior. « Juste interdire de nouvelles technologies parce qu’elles sont nouvelles, parce qu’on ne les connaît pas, ça ne va pas. Il faut avoir une régulation de cette technique et la technologie. On travaille dessus depuis plusieurs années au Parlement. »
« L’enjeu pour l’UE c’est de construire une identité économique, politique et éthique autour de cette technologie. Quelle est notre identité ? Quelles sont nos valeurs à nous ? On voit ce qu’il en est en Chine, on voit ce qu’il en est aux Etats-Unis. En quoi proposons-nous un modèle différent ? On ne peut pas se contenter d‘une position défensive, il faut qu’on soit offensif et constructif. L’enjeu, c’est la protection des droits fondamentaux, ce sont les questions éthiques fondamentales et c’est aussi une forme d’autonomie stratégique et géopolitique par rapport à ces grands blocs », milite l’élu français. Une proposition de règlement est actuellement à l’étude au Parlement européen. Elle a pour but d’encadrer l’usage et la commercialisation des IA, et d’en limiter les champs d’application afin d’aider à l’innovation tout en garantissant la sécurité et les droits des utilisateurs. Le parlement européen devrait l’adopter au courant du mois de juin.