« Monsieur le Président, puisque vous êtes à Hiroshima... » (tribune)

57 parlementaires français (EELV, PCF, LFI) demandent à Emmanuel Macron, présent à Hiroshima (Japon) pour le G7, d'« agir pour le désarmement nucléaire ». David Cormand co-signe cette tribune.

Monsieur le président, du 19 au 21 mai lors du Sommet du G7 à Hiroshima, vous allez rencontrer des Hibakusha, les victimes de ce drame atomique et de celui de Nagasaki. Comme nous l’avons fait en juin 2022, nous vous demandons à nouveau de ne pas isoler la France du dialogue sur le désarmement nucléaire aux Nations Unies, sous peine d’affaiblir la crédibilité de la France et de brouiller notre posture nucléaire.

La menace nucléaire.

Hiroshima : ce nom résonne comme l’horreur ultime dans l’imaginaire de tout un chacun. Devant l’imminence de la menace nucléaire et en particulier face à l’attitude agressive de la Russie, le Premier ministre japonais Fumio Kishida a souhaité tenir le Sommet du G7 dans cette ville. C’est un message fort en faveur d'un monde sans armes nucléaires. Depuis le 24 février 2022, le risque que soit brisé le tabou nucléaire pour la première fois depuis le 9 août 1945 s’est accru. L’agression russe de l’Ukraine s’est appuyée sur la menace ouverte de l’emploi d’armes nucléaires à l’encontre de la France et plus largement des États membres de l’Alliance atlantique. Or, toute détonation nucléaire engendrerait des conséquences humanitaires et environnementales catastrophiques pour les populations civiles frappées, comme pour celles des pays frontaliers qui devraient faire face aux retombées radioactives, à une agriculture dévastée, à l’afflux de réfugiés, sans parler des répercussions économiques. Nous disposons des données scientifiques et du recul nécessaire pour savoir que les personnes exposées aux radiations d’Hiroshima, de Nagasaki ou des essais nucléaires sont susceptibles de souffrir à long terme de graves conséquences sanitaires. Connaître et évoquer cette réalité des armes nucléaires n’a pas pour objet de créer une angoisse chez nos concitoyens ; c’est faire preuve de lucidité sur la période que nous vivons. Pourtant, face à ce risque, la France a affiché fermement sa politique de dissuasion, notamment au printemps 2022 avec la sortie en mer de trois sous-marins de la force océanique stratégique. La Loi de programmation militaire 2024-2030 va également dans ce sens. Elle affirme la volonté de moderniser et renouveler les composantes et infrastructures nécessaires au fonctionnement de la dissuasion, pour un montant annoncé de 53,69 milliards d’euros. Si nous avons des approches parfois divergentes de la politique de défense à mettre en place pour la France, nous pouvons au moins partager les propos du ministre des Armées, le 5 avril dernier en commission de la Défense de l’Assemblée nationale : « la dissuasion nucléaire n’est pas consensuelle dans notre pays ». Rappelons-le, Etat doté d’armes nucléaires au sens du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), la France a l’obligation de « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire » en vertu de l’article 6 du traité.

Des mots aux actes.

Notre État s’affirme comme une puissance nucléaire responsable. En raison de sa place de membre permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies, il a un rôle particulier. Observée à travers le monde, la France ne peut se contenter uniquement de paroles rassurantes. Certes, la France a réalisé, principalement dans la décennie 1990, des actions de désarmement unilatérales. Elle ne dispose pas d’un arsenal nucléaire de plusieurs milliers d’ogives à l’instar de la Russie et des États-Unis, et n’augmente pas son arsenal comme le font les Britanniques et les Chinois. Mais face à la montée des périls, il s’agit désormais d’aller plus loin. Nous saluons certaines avancées. La France a exprimé pour la toute première fois le 3 janvier 2022 qu’une « guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ». Cette déclaration, endossée aussi par l’ensemble des membres du P5, doit servir de base à la réduction du risque d'utilisation d'armes nucléaires. Elle fut d’ailleurs complétée lors du Sommet du G20 à Bali, par l’affirmation que « l’emploi d’armes nucléaires ou la menace de leur emploi sont inacceptables ». Au vu de l'opinion publique française, qui s'est déclarée, à l'occasion de plusieurs sondages, favorable au désarmement nucléaire, bien plus est attendu et vous devez résolument engager la France dans une démarche positive. Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires constitue cette démarche positive. Cette nouvelle norme internationale est déjà signée par 92 États et compte 68 États membres. Adopté au sein des Nations Unies et auquel ont concouru de nombreuses organisations telles que le Comité international de la Croix-Rouge, le TIAN a tenu en juin 2021 sa première Réunion des États parties avec la présence d’États dits observateurs et notamment de l’Australie, de l’Allemagne, de la Belgique, de la Finlande, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Suisse, de la Suède. Ces États, disposant ou non du parapluie nucléaire, via l’Alliance atlantique ou un accord de sécurité avec les États-Unis, ont souhaité pour autant affirmer, malgré leurs interrogations sur ce traité, leur croyance dans le multilatéralisme, et ce, d’autant plus dans la période actuelle. Pendant ce temps, la France a décidé de pratiquer la politique de la chaise vide. Le Sommet du G7, est une occasion unique de faire preuve de vision en mettant en actes les déclarations du P5 et du G20, et donner corps à vos paroles prononcées lors de la présentation de la Revue Nationale Stratégique : « La France est une puissance qui assume ses responsabilités et contribue, en partenaire fiable et solidaire, à la préservation du multilatéralisme et du droit international. » En annonçant à Hiroshima la présence de la France au titre d’État observateur à la seconde réunion du TIAN, qui se réunira au siège des Nations Unies en novembre 2023, serait non seulement une reconnaissance forte du combat des Hibakusha, mais aussi un acte géopolitique qui sortirait la France de son isolement sur la scène onusienne, alors même qu’une crise nucléaire frappe le régime mondial de désarmement et de non-prolifération. Laisser une nouvelle fois un siège vide pour la France dans cette enceinte serait difficilement compréhensible.

Monsieur le Président, au-delà de tous les discours du monde, l’Histoire retiendra les actes.

Nous vous demandons d’agir.

Listes des co-signataires : Pierre Laurent, Sénateur de Paris (PCF), Jean-Paul Lecoq, Député de la Seine-Maritime (PCF), Mounir Satouri, Eurodéputé (Groupe des Verts/ALE), Paul Molac, Député du Morbihan (LIOT), Bastien Lachaud, Député de la Seine-Saint-Denis (LFI - Nupes) Julie Laernoes, Députée Loire-Atlantique, (Écologiste-NUPES) Aurélien Saintoul, Député des Hauts-de-Seine (LFI - Nupes) Cyrielle Chatelain, Députée de l’Isère, (Écologiste-NUPES) Daniel Breuiller, Sénateur du Val-de-Marne (groupe Écologiste - Solidarité et Territoires) Mathilde Panot, Députée du Val-de-Marne (LFI - Nupes) Aurélien Taché, Député du Val-d’Oise (Écologiste-NUPES) Raymonde Poncet Monge, Sénatrice du Rhône (groupe Écologiste - Solidarité et Territoires) Monique de Marco, Sénatrice de la Gironde (groupe Écologiste - Solidarité et Territoires) François Alfonsi, Eurodéputé (Groupe des Verts/ALE) Benoît Biteau, Eurodéputé (Groupe des Verts/ALE) Damien Carême, Eurodéputé (Groupe des Verts/ALE) David Cormand, Eurodéputé (Groupe des Verts/ALE) Gwendoline Delbos-Corfield, Eurodéputée (Groupe des Verts/ALE) Karima Delli, Eurodéputée (Groupe des Verts/ALE) Claude Gruffat, Eurodéputé (Groupe des Verts/ALE) Yannick Jadot, Eurodéputé (Groupe des Verts/ALE) Michèle Rivasi, Eurodéputée (Groupe des Verts/ALE) Caroline Roose, Eurodéputée (Groupe des Verts/ALE) Marie Toussaint, Eurodéputée (Groupe des Verts/ALE) Nadège Abomangoli, Députée de la Seine-Saint-Denis (LFI - Nupes) Cathy Apourceau-Poly, Sénatrice du Pas-de-Calais (PCF) Éliane Assassi, Sénatrice de Seine-Saint-Denis (PCF), présidente du groupe CRCE Jérémy Bacchi, Sénateur des Bouches-du-Rhône (PCF) Éric Bocquet, Sénateur du Pas-de-Calais (PCF) Céline Brulin, Sénatrice de Seine-Maritime (PCF) Laurence Cohen, Sénatrice du Val-de-Marne (PCF) Cécile Cikierman, Sénatrice de la Loire (PCF) Fabien Gay, Sénateur de Seine-Saint-Denis (PCF) Michelle Gréaume, Sénatrice du Nord (PCF) Gérard Lahellec, Sénateur des Côtes d’Armor (PCF) Pierre Ouzoulias, Sénateur des Hauts-de-Seine (PCF) Pascal Savoldelli, Sénateur du Val-de-Marne (PCF) Marie-Claude Varaillas, Sénatrice de Dordogne (PCF) Hubert Julien-Laferrière, Député Rhône, (Écologiste-NUPES) Julien Bayou, Députée de Paris (Écologiste-NUPES) Ersilia Soudais, députée de Seine-et-marne, (LFI - Nupes) Aymeric Caron, Député de Paris (LFI - Nupes) Lisa Belluco, Députée de la Vienne (Écologiste-NUPES) Soumya Bourouaha, Députée, (GDR) André Chassaigne, Députée, (GDR) Pierre Dharréville, Députée, (GDR) Elsa Faucillon, Députée, (GDR) Sébastien Jumel, Député, (GDR) Tematai Le Gayic, Député, (GDR) Yannick Monnet, Député, (GDR) Marcellin Nadeau, Député, (GDR) Stéphane Peu, Député, (GDR) Davy Rimane, Député, (GDR) Fabien Roussel, Député, (GDR) Nicolas Sansu, Député, (GDR) Jean-Marc Tellier, Député, (GDR) Hubert Wulfranc, Député, (GDR)


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