Résistons à la publicité commerciale nocive ! (tribune)
A l'occasion de la Journée mondiale sans achats samedi, qui suit le Black Friday, David Cormand co-signe dans le quotidien suisse Le Temps la tribune de 60 élus suisses, des associations, une soixantaine de personnalités de la société civile et des universitaires.
La tribune 👇
Le consumérisme est à l'origine de la détérioration climatique et écologique et nuit à la cohésion sociale. Or, des centaines de milliers de citoyens suisses reçoivent régulièrement depuis plusieurs années de La Poste suisse un courrier accompagné d'autocollants "Publicité bienvenue", "Oui à la pub" ou encore "Même pas peur de la pub". Le tout-ménage est muni d'une incitation à recevoir des échantillons de produits comme des barres chocolatées de fabrication industrielle.
Cet envoi a suscité l'indignation sur les réseaux sociaux. Les autorités exhortent leurs administrés aux économies d'énergie, à la sobriété et au recyclage des déchets. Pendant ce temps-là, La Poste suisse encourage à la surconsommation et au gaspillage de papier! Elle banalise aussi l'impact du plastique sur l'environnement. Le bien-fondé de l'autocollant "Oui à la pub" peut être débattu. Il est en adéquation avec le principe de la liberté de réception, à l'instar de la publicité à la radio et à la télévision, chacun étant libre d'allumer ou d'éteindre son poste. A en croire les partisans de la publicité adressée dans les boîtes aux lettres, l'autocollant "Oui à la pub" peut constituer un outil contre la publicité non sollicitée complémentaire de l'autocollant "Stop pub" déjà existant et promu par les associations écologistes. L'association Résistance à l'agression publicitaire France invite cependant à la prudence sur ce sujet. L'autocollant "Oui pub", en ce moment activement promu sur le territoire français, rencontre peu de succès. Près d'un tiers des Français souhaiteraient par contre recevoir l'autocollant "Stop pub".
La responsabilité du secteur publicitaire
La publicité commerciale véhicule encore souvent des préjugés sexistes ou discriminatoires. Elle participe à la surconsommation, laquelle facilite l'endettement. Aujourd'hui, parmi les publicités particulièrement décriées, on trouve celles pour les combustibles fossiles, les SUV, les voitures à énergie fossile et les transports aériens, mais aussi celles en faveur des vêtements de la fast fashion, d'aliments comme le bœuf et les produits laitiers ainsi que les bateaux de croisière de luxe. Ces biens et services émettent de grandes quantités de gaz à effet de serre et ont une responsabilité disproportionnée dans la crise climatique. Sur mandat de Greenpeace Suisse, le bureau d'études Infras a constaté que jusqu'à 7% des émissions de gaz à effet de serre de Suisse (importations comprises) doivent être imputées à la publicité. En ce qui concerne l'impact environnemental, ce chiffre peut atteindre 10%. Ce sont Coop (385 millions) et Migros (241 millions) qui dépensent le plus d'argent en publicité.
Initiatives dans plusieurs agglomérations européennes et villes suisses
De nombreux groupements et associations s'engagent en Europe et en Suisse pour donner aux communautés locales les moyens de créer des alternatives à la consommation en stimulant les liens communautaires, la solidarité, l'art public et l'engagement environnemental. On peut citer le réseau Adfree Citiesréunissant de nombreuses villes et comtés de Grande-Bretagne ainsi que les pétitions citoyennes ayant récolté plusieurs dizaines de milliers de signatures à Hambourg et Berlin. En 2021, dans un arrêt qui fera date, le Tribunal fédéral a décidé que la restriction de la publicité extérieure - tant sur le domaine public que sur les propriétés privées visibles depuis le domaine public - ne constituait pas une ingérence à la liberté économique.
Bien que rejetée de justesse dans les urnes à 51,8% en mars dernier, l'initiative "Genève zéro pub" va amener l'exécutif de la ville de Genève à revoir les conditions d'octroi de la concession d'affichage. Une campagne contre les colonnes et écrans publicitaires lumineux a trouvé des relais au parlement de la ville de Zurich. Au printemps dernier, les autorités de La Chaux-de-Fonds ont annoncé leur intention de libérer le centre-ville des publicités commerciales dès 2025. La ville de Vevey a décidé au mois d'août de ne plus mettre son espace public à disposition pour l'affichage de publicité commerciale à partir de 2025. Autant d'initiatives réjouissantes en faveur d'une société alignée avec les enjeux de durabilité de demain!
A lire dans Le Temps.