Une allocation d’autonomie universelle d’études pour ne plus laisser nos étudiants dans la pauvreté (tribune)
Vingt-trois pays de l’UE accordent un minimum social aux jeunes dès leur majorité, en France, il faut attendre d’avoir 25 ans. Il est urgent de créer une allocation d’autonomie universelle pour les étudiants, une proposition de loi du groupe Ecologiste - Solidarité et Territoires est débattue au Parlement le 13 décembre. David Cormand co-signe cette tribune.
« J’avais 20 ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Beaucoup de jeunes se retrouvent aujourd’hui dans les mots de Paul Nizan. La France compte trois millions de jeunes en formation dans l’enseignement supérieur. Ce chiffre a été multiplié par dix en soixante ans, mais cette démocratisation de l’accès aux études se heurte à une précarité croissante de la jeunesse.
Alors que 1 400 000 jeunes vivent sous le seuil de pauvreté, notre responsabilité est immense. Aujourd’hui, les 18-24 ans sont les plus touchés par la pauvreté. Cette paupérisation croissante, au service de la reproduction des inégalités sociales, n’est plus supportable. L’ascenseur social est enrayé, la mixité sociale s’étiole, et notre jeunesse vit dans la pauvreté.
Ce sont les conséquences d’un système de bourses qui exclut 73 % des étudiants et dont les montants restent inférieurs au seuil de pauvreté. Créées dans les années 50 alors que la France comptait 150 000 étudiants, les bourses sur critères sociaux ne sont plus en mesure d’endiguer la pauvreté et de garantir l’égalité d’accès aux études.
Les ressources des familles modestes et des classes moyennes ne suffisent plus à assumer la charge des études. Ainsi, 40 % des étudiants sont contraints d’exercer une activité professionnelle, au détriment de leur réussite scolaire. Ils sont également de plus en plus nombreux à s’endetter. La solidarité nationale doit prendre le relais de la solidarité familiale.
Un système profondément déséquilibré
En 2021, un rapport d’information sénatorial sur la condition de vie étudiante soulignait la fragilité du financement de la vie étudiante. Pourtant, aucune réforme structurelle n’est envisagée par le gouvernement. Pire, les coupes budgétaires et l’accumulation de petites réformes parcellaires accroissent les inégalités. Les mesures conjoncturelles, comme l’augmentation de quelques euros des bourses, ne sont plus à la hauteur, car le système entier est profondément déséquilibré.
Nous devons bâtir un nouveau contrat social entre la société et les jeunes pour leur garantir des conditions de vie dignes, leur donner les moyens de s’émanciper, et les libérer du fardeau financier qui affecte tant leur réussite que leur santé physique et mentale. C’est le sens de la proposition de loi déposée par le groupe Ecologiste - Solidarité et Territoires (Gest) qui sera débattue le 13 décembre lors de sa niche parlementaire.
Pour la première fois depuis 1950, le Parlement français examinera la possibilité de créer une allocation d’autonomie universelle pour tous les jeunes en formation. Cette allocation, d’un montant d’environ 1 092 euros par mois, serait accessible pour tous les étudiants de 18 à 25 ans et pour tous les apprentis de 16 à 25 ans. Au même titre que la sécurité sociale, elle serait versée sans conditions de ressources et se substituerait à l’ensemble des aides et dépenses fiscales existantes.
Donner aux jeunes les moyens d’agir et de décider de leur avenir
Cette allocation d’autonomie serait calculée en fonction de la situation des étudiants qui devront être détachés du foyer fiscal parental pour en bénéficier. Il s’agit de reconnaître, enfin, les jeunes majeurs comme des adultes en leur donnant accès à des droits sociaux indépendamment de leurs parents.
Cette proposition est une revendication historique des organisations de jeunesse. Le 19 septembre dernier, quatorze présidents et présidentes d’universités appelaient également à la création d’une allocation d’études. En mars 2022, l’économiste Philippe Aghion soulignait qu’un «revenu universel de formation serait de nature à promouvoir l’autonomie des jeunes en leur donnant les moyens d’agir et de décider de leur avenir».
Alors que cette allocation existe déjà dans plusieurs pays européens, comme au Danemark ou en Suède, la France ne garantit aucun filet de sécurité pour les jeunes générations. Vingt-trois pays de l’Union européenne accordent un minimum social aux jeunes dès leur majorité, en France, il faut attendre d’avoir 25 ans. Comment justifier une telle rupture d’égalité ? Les étudiants des écoles normales et de Polytechnique reçoivent un revenu pour étudier, pourquoi toutes les formations ne pourraient-elles pas en bénéficier ?
Notre pays n’a jamais achevé la démocratisation de l’accès aux études. Ainsi, les étudiants dont le revenu des parents est inférieur à 1 000 euros par mois représentaient seulement 6,6 % des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur en 2020. En réduisant les inégalités socio-économiques, la création d’une allocation d’autonomie universelle d’études permettrait de combattre la reproduction sociale.
Cette proposition de loi est le point de départ d’un travail parlementaire que nous souhaitons transpartisan. La création d’une allocation d’autonomie est une urgence absolue pour sortir la jeunesse de la précarité structurelle dans laquelle nous l’avons enfermée. Nous appelons le gouvernement à se saisir de cette initiative parlementaire afin d’éradiquer la précarité des jeunes.
Signataires : Marine Tondelier Secrétaire nationale des Ecologistes Monique de Marco Sénatrice de la Gironde Hania Hamidi Secrétaire générale de l’Union nationale des étudiants de France Médolie Secrétaire fédérale de Solidaires Etudiant-e-s Benoît Teste Secrétaire général de la FSU Frédéric Marchand Secrétaire général de l’Unsa-Education Eléonore Schmitt Porte-parole de l’Union étudiante Guillaume Gontard Sénateur de l’Isère et président du groupe Ecologiste - Solidarité et Territoires Cyrielle Chatelain Députée de l’Isère et présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale Marie Toussaint Députée européenne David Cormand Député européen Alain Halère Secrétaire général du SNPTES-Unsa Jean-Marc Bœuf Secrétaire général de A&I-Unsa Martine Samama Secrétaire générale de Unsa-ITRF-Bi-O Jean-Pascal Simon Secrétaire général de Sup Recherche-Unsa Annah Bikouloulou Cosecrétaire fédérale des Jeunes écologistes Emma chevalier Cosecrétaire fédérale des Jeunes écologistes Anne Souyris Sénatrice de Paris Mathilde Ollivier Sénatrice des Français établis hors de France Antoinette Ghul Sénatrice de Paris Yannick Jadot Sénateur de Paris Jacques Fernique Sénateur du Bas-Rhin Raymonde Poncet-Monge Sénatrice du Rhône Sandra Regol Députée du Bas-Rhin Marie Pochon Députée de la Drôme Jean-Claude Raux Député de la Loire-Atlantique Guy Benarroche Sénateur des Bouches-du-Rhône Grégory Blanc Sénateur du Maine-et-Loire Ronan Dantec Sénateur de la Loire-Atlantique Thomas Dossus Sénateur du Rhône Akli Mellouli Sénateur du Val-de-Marne Paul Toussaint Parigi Sénateur de la Haute-Corse Daniel Salmon Sénateur de l’Ille-et-Vilaine Ghislaine Senée Sénatrice des Yvelines Mélanie Vogel Sénatrice des Français établis hors de France Sabrina Sebaihi Députée des Hauts-de-Seine Nicolas Thierry Député de la Gironde Charles Fournier Député de l’Indre-et-Loire Sébastien Peytavie Député de la Dordogne, Christine Arrighi Députée de la Haute-Garonne Aurélien Taché Député du Val-d’Oise, Julien Bayou Député de Paris Eva Sas Députée de Paris Benoît Biteau Député européen François Thiollet Député européen Claude Gruffat Député européen Mounir Satouri Député européen Francesca Pasquini Députée des Hauts-de-Seine Karim Ben Cheih Député des Français établis hors de France Sophie Taillé-Polian Députée du Val-de-Marne Jérémie Iordanoff Député de l’Isère Karima Delli Députée européenne et Gwendoline Delbos-Corfield Députée européenne.
La tribune est à retrouver sur le site de Libération.