« C’est toujours l’écologie qui prend la première balle »
À l’invitation du groupe local d’Europe Écologie les Verts, David Cormand sera à Cholet ce jeudi 9 mars. Celui qui a été secrétaire national d’EELV de 2016 à 2019, viendra partager son expérience d’élu au parlement européen, où il siège depuis 2019. Il défendra également les idées qu’il développe dans son dernier livre, intitulé « Ce que nous sommes, repères écologistes ».
Votre dernier livre s’ouvre sur le jour où vous êtes devenu « écolo »
David Cormand : « C’était il y a 25 ans, quand je suis tombé sur cette photo, illustrant un embouteillage d’alpinistes en haut de l’Everest. J’y ai vu la révélation d’un usage insensé de notre monde. Je cherche plus largement, dans ce livre, à revenir aux fondements de l’écologie politique. Être écolo n’est pas seulement un supplément d’âme ! Et cela ne se résume pas à défendre les petits oiseaux. Cette pensée est née dès le XIXe avec des gens comme Charles Fourier, qui avait déjà l’intuition que la révolution industrielle aurait des conséquences sociales, mais aussi environnementales. Nous continuons aujourd’hui à pointer du doigt un modèle de société qui s’appuie sur la consommation de matières fossiles, et des ressources qui proviennent de l’extérieur de nos frontières. La guerre en Ukraine nous a donné raison, en révélant la vulnérabilité de ce modèle. Un de nos fondamentaux est aussi que l’humain ne peut s’épanouir que dans un espace où il y a de la vie. Tout le monde est d’accord avec ça jusqu’au moment où des intérêts personnels sont mis en jeu. »
C’est en ce sens que vous avez défendu, au Parlement européen, le principe d’une taxation des capitaux ?
« Oui, c’est le principe d’une fiscalité juste. Ceux qui font voyager les capitaux sont aussi ceux qui investissent dans des projets qui détruisent l’environnement. Cet argent se fait en exploitant la nature et les êtres humains. Il faut redonner du sens à l’économie. Cela passe également par la protection du consommateur, avec des lois destinées à interdire l’obsolescence programmée, le tout jetable ; à encourager l’économie circulaire, des garanties étendues…. C’est ce que je défends au Parlement européen. Un numérique plus vert aussi : ses usages sont des adversaires de la transition écologiques. Nous ne sommes pas contre le progrès mais aujourd’hui l’innovation, c’est la low tech. La remise en question de la société de consommation est sans doute ce qui nous distingue le plus du PS… »
Quel regard portez-vous sur l’évolution de votre parti au cours des dernières années ?
« Notre première candidature, aux législatives, remonte à 50 ans. À l’origine, les « Verts » se voulaient comme un mouvement de contre-pouvoir, des lanceurs d’alerte qui ne s’engageaient pas pour gagner. Il était composé d’une nébuleuse, qui regroupait des scientifiques, des anarchistes, des marxistes… Certains nous pointaient du doigt comme trop libéraux. D’autres, à l’inverse, comme réfractaires au progrès. Mais au fil du temps le mouvement s’est consolidé, et a assumé sa relation au pouvoir, tandis qu’il y avait une prise de conscience dans la société. Il a intégré des coalitions, pour en être partenaires. Le nouveau temps de l’écologie politique est d’être dans une pensée à part entière, qui peut gagner. »
Marine Tondelier est la bonne personne pour relever ce défi ?
« Elle est très solide, avec un vrai parcours de militante, un style accessible et un parcours de vie. Elle coche beaucoup de cases, alors que nous sommes confrontés à un paysage politique extrêmement dur, avec de vraies tentatives de régression sociale. Le populisme libéral, comme celui d’extrême droite, fait des ravages. En France, la politique libérale d’Emmanuel Macron a déjà conduit à la réduction des droits du travail, et prend des allures autoritaires. Nous portons des propositions politiques plus solidaires et ouvertes sur le monde. »
Les actions radicales menées par des jeunes militants appartenant, notamment, au mouvement Extinction rebellion, sont-elles compatibles avec le travail que vous menez par le biais des urnes ?
« Ces actions sont spectaculaires mais n’ont rien de violentes, contrairement à ce que voudraient laisser penser certains. Je les trouve même très raisonnables si on les compare aux enjeux de l’effondrement écologique que nous sommes en train de vivre. Elles s’inscrivent dans la lignée de celles menées par le mouvement écologiste depuis les origines. Je pense aux luttes menées dans le Larzac, contre les centrales nucléaires et plus récemment les bassines. Ce sont des luttes qui ne passent pas forcément par le parti, mais qui s’articulent avec, tout comme, dans un autre domaine, les actions menées par des AMAP ou des associations prônant l’économie circulaire. »
Pour la première fois, lors de ce mandat, les verts représentent 10 % des députés européens. Avez-vous le sentiment que les choses bougent ?
« Cette mandature devait être celle du green deal avec notamment des objectifs en matière de réduction des rejets des gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Et puis la crise Covid et la guerre en Ukraine sont arrivées. Cela a eu des conséquences sur le centre de gravité politique du Parlement, avec un raidissement de la droite qui n’hésite plus à aller taper à la porte de l’extrême droite pour faire une coalition. Il est plus difficile de trouver une majorité sur les textes que nous défendons. »
Quel est votre regard sur la politique menée en matière d’agriculture ?
« La PAC maintient un système d’aide qui encourage les exploitations à grande échelle, tournées vers la chimie, l’export, le pétrole. Aucun progrès réel en faveur de la bio n’a été fait même s’il y a eu des déclarations de principes. Depuis la guerre en Ukraine, c’est pire. La réponse à cette crise est qu’il faut assouplir les règles, y compris en matière d’utilisation de pesticides, pour produire plus. Il y a une instrumentalisation du conflit pour faire sauter des règles écologiques. C’est un vrai point noir au niveau européen. En cas de conflit, c’est toujours l’écologie qui prend la première balle. »
Avez-vous l’ambition de reprendre un mandat au niveau national ?
« J’aime beaucoup le travail que je mène au Parlement et j’espère pouvoir le poursuivre avec un deuxième mandat. Je suis convaincu que les problèmes structurels, macroéconomiques, etc. ne peuvent pas trouver de solution sans un échelon européen. »
Ce jeudi 9 mars, à 20 h salle Le Balcon, place Travot a Cholet. Gratuit
Article disponible en ligne sur Ouest-France.