« La pensée écologiste est complète. Ce n’est pas que les arbres et les petits oiseaux ! »
Jeudi 15 septembre, David Cormand était interrogé par Paris-Normandie à l’occasion de la sortie de son livre (Ce que nous sommes. Repères écologistes, éd. Les Petits Matins) et de l’organisation des Journées normandes de l’écologie. David Cormand a eu l’opportunité de rappeler son attachement à la Normandie, sa région d’origine. En tant qu’eurodéputé, il s’engage et soutient les élus écologistes et la société civile, notamment dans leurs combats face aux projets climaticides dans la région.
Extraits 👇
Alors qu’il vient de publier « Ce que nous sommes, repères écologistes », dans lequel il synthétise ce que représente le mouvement, David Cormand livre sa vision sur l’écologie actuelle.
Pourquoi ce livre et pourquoi ce titre « Ce que nous sommes » ?
David Cormand : « C’est à la fois ce que nous sommes en tant qu’écologistes et ce que nous sommes, en tant que société. En tant qu’écologiste, c’est une famille qui suscite la curiosité. Pendant longtemps, on ne faisait pas attention à nous. Aujourd’hui, il y a une forme de consensus sur les rapports du Giec, sur la chute de la biodiversité… Avec ce livre, il s’agit aussi de déconstruire un certain nombre de poncifs, d’attaques et de délégitimisation du mouvement. On entend parfois “ Sur l’économie, ils ne sont pas sérieux ” , “ ils sont de gauche ” , “ ils sont de droite ” … Il faut donner des repères sur ce qu’est l’écologie. »
En parlant de « fin de l’abondance », ce que vous évoquez également dans le livre, le président Emmanuel Macron est-il écologiste ? Comment jugez-vous sa réaction face aux enjeux ?
« En l’espèce, quand il dit que c’est la fin de l’abondance, il utilise le mot mais n’en saisit pas la portée. Depuis le Club de Rome et le rapport Meadows en 1972, on sait où nous mène la croyance en la croissance comme signe de réussite. Quand le président dit cela, on peut un instant penser qu’il a une sorte de « flash ». Mais il mène des politiques qui continuent comme avant. C’était déjà le cas avec son « Make our planet great again », avec la nomination de Nicolas Hulot, avec la Convention citoyenne pour le climat… Il dit « écologie, écologie » mais il ne fait pas le lien entre les mots et les actes. Pour lui, la fin de l’abondance, ce n’est pas changer de modèle mais préparer les plus pauvres à se serrer encore plus la ceinture. Il légitime l’injustice sociale. Quand on parle d’interdire les jets privés, ça n’a rien d’anecdotique. Mais tout de suite, c’est « non ». Or, le coût environnemental qui pèse sur la planète est le résultat du mode de vie d’une minorité. »
Pensez-vous que la société soit prête à des changements ?
« Un exemple : le rire de Mbappé sur le mode de transport de son équipe. Je ne suis pas sûr d’abord qu’il y a encore quelques mois la question aurait été posée. Ensuite, la réaction du joueur n’aurait pas eu le même écho médiatique.
Aujourd’hui, l’absurdité d’une telle réponse suscite une réaction. C’est déplorable car cela montre que certains n’ont pas compris les enjeux mais cela montre aussi que, oui, la société est prête au changement. Et c’est ce qui me sidère : ce sont les dirigeants et les plus riches qui ne veulent pas que ça change. Prenez la Convention citoyenne. Des gens qui se sont impliqués, qui font des propositions significatives… Et tout termine à la poubelle ! »
C’est quoi alors, être écologiste ?
« La pensée écologiste est complète. Ce n’est pas que les arbres et les petits oiseaux ! C’est la défense de ce qui est abîmé, se battre pour la justice et ce qui est juste, pour que le diktat du plus fort ne s’impose pas au plus faible. »
L’écologie est-elle forcément de gauche ?
« En tout cas, la gauche ne peut être qu’écologiste. Je ne vois pas comment les personnes de droite peuvent être écologistes. C’est impossible de penser l’écologie pour un seul pays, si l’on parle de l’extrême-droite. Pour la droite plus conservatrice, cela pose un problème par rapport aux conquêtes sociales. Quant à la droite libérale, c’est sur les limites planétaires que cela va bloquer… »
Quel regard portez-vous sur les polémiques autour des sorties des écologistes ?
« Cela a toujours été comme ça. Quand un ou une – et la nuance compte – écologiste dit quelque chose, il y a des réactions épidermiques. Mais quand c’est Arnold Schwarzenegger qui parle de la consommation de viande, il n’y aucune polémique ! À ce propos, c’est moins le sujet évoqué que la personne qui en parlait [Sandrine Rousseau, NDLR] qui a fait polémique. Ce qu’il faut faire, c’est mettre les sujets sur la table avec pédagogie, car ce sont de vraies problématiques, notamment chez les classes populaires. Maintenant, notre entrée dans le débat public ne doit pas toujours se faire sur la mode du buzz. Il y a des mots obus mais ce ne peut être la seule finalité car l’entrée frontale peut être répulsive : nous devons porter nos sujets et être attractifs. Mais bon, pour les uns, nous sommes des « pastèques », des ayatollahs, des Khmers, pour les autres nous sommes des pro-Macron et même d’extrême-droite ! L’écologie a toujours été contestée, même à gauche ; alors que nous sommes encore plus opposés au capitalisme que la gauche traditionnelle… »
Êtes-vous optimiste ?
« On n’a pas le choix que d’y croire ! Il y a quelque chose de stimulant et de festif à sauver le monde, à le réparer. C’est plus festif que de continuer à détruire ! Le modèle actuel est morbide, on est diverti par la publicité, on développe des maladies chroniques, on n’envisage plus de faire des enfants… C’est d’une tristesse folle ! Il y a un avenir possible. Tout ce qui a été détruit est détruit. Mais il reste des choses à sauver, ne nous enfermons pas dans une forme de fatalisme. Il faut de l’inventivité pour se réinventer. »
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