L'Europe, le chasseur français et l'alouette des champs.
Ne vous laissez pas abuser par le titre de cette note de blog, qui semble osciller entre inspiration Rohmerienne et fable de La Fontaine. Elle porte, à la vérité, sur un sujet qui n'est guère poétique : l'entêtement d'Emmanuel Macron à servir les intérêts du lobby cynégétique au détriment du respect des règles européennes et de la biodiversité. Ma plume se trempera ce soir à l'encre de la colère froide. Comment pourrait-il en être autrement face au double jeu permanent d'un Président Français qui ne cesse de faire de la duplicité un instrument de gouvernement ? Alors même qu'Emmanuel Macron a affirmé vouloir défendre la biodiversité à de multiples occasions, quatre arrêtés ministériels, parus ce jour, viennent d’autoriser à nouveau la capture létale de plus de 100 000 oiseaux sauvages. Pratique pourtant déjà jugée illégale à plusieurs reprises par le Conseil d’État et la Commission européenne.
C'est l'alouette des champs qui se trouve visée. Or, ce volatile en fort déclin a perdu plus de la moitié de ses effectifs européens depuis 1980 et près du quart de sa population française au cours des 20 dernières années. La cote d'alerte est dépassée. Et ce d'autant plus que les explications de ce long déclin ne sont malheureusement pas spécifiques à l'alouette en question. Notre modèle agricole en est largement responsable : le remembrement, la disparition des haies, l’utilisation de pesticides ont causé une stérilisation des habitats et un appauvrissement des ressources alimentaires qui a entrainé le déclin de l'espèce. La chasse aux « pantes » (ce sont des filets horizontaux) dans le Sud Ouest de notre pays vient encore aggraver massivement les menaces pesant sur l'alouette des champs, moins menacée par la chasse au fusil pratiquée ailleurs.
Voilà pourquoi, dans ce contexte, les quatre arrêtés autorisant, pour la saison 2022/2023, la chasse aux « pantes » et aux « matoles » (cages tombantes) de 106 500 alouettes des champs (dans les Landes, la Gironde, le Lot-et-Garonne et les Pyrénées-Atlantiques) nous semblent constituer une nouvelle aberration écologique.
Le gouvernement le sait mais poursuit dans la voie de la récidive. Car il me faut rappeler que ce n'est malheureusement pas la première fois que le gouvernement se livre à une sinistre opération de marchandage électoral sur le dos de la faune. Pour se concilier les bonnes grâces des chasseurs qu'Emmanuel Macron poursuit de ses assiduités à coup de subventions sans précédent et de passe-droits permanents, le gouvernement a déjà à plusieurs reprises tenté de finasser en prenant des décisions qu'il sait illégales, mais qui, en quelque sorte promulguées à la veille de l'ouverture de la chasse, permettent aux chasseurs de profiter d'une sorte de zone de non droit temporaire pour officier et tuer le maximum d'oiseaux. C'est donc bien par la tête que le poisson pourrit : l'exemple des petits arrangements avec la loi, la défense des intérêts particuliers, le mépris pour l'Europe dès lors qu'elle s'oppose au fait du prince et au bénéfice de ses favoris, tout ici est tragique, dans la trahison de supposées « élites » qui s'arrogent pourtant d'ordinaire le monopole de la démocratie qu'elles piétinent allègrement et d'une Europe qu'elle tuent à petit feu.
L'interminable feuilleton des atteintes portées au vivant par un gouvernement cynique se poursuit donc. Triste journées que celles qui voient le locataire de l'Élysée poursuivre une besogne de désolation. Rappel des épisodes précédents. Opportunément saisi par la LPO et One Voice, dont nous saluons la vigilance et la détermination, le Conseil d’État avait annulé en 2021 les arrêtés ministériels ayant autorisé les mêmes pratiques pour les saisons 2018/2019, 2019/2020 et 2020/2021, précisément car elles contrevenaient à la directive Oiseaux de l’Union Européenne. Mais, contre toute attente, le 15 octobre 2021, Emmanuel Macron, monarque persistant à défaut d'être ici perspicace, avait ordonné de prendre plusieurs arrêtés les autorisant à nouveau pour 2021/2022. La LPO et One Voice avaient donc, en réponse, immédiatement déposé des recours en référé auprès du Conseil d’État pour demander leur suspension en urgence, obtenue le 25 octobre dernier. Être obligé de mener une guérilla juridique pour que l'État respecte la légalité et la nature est un sport que les écologistes pratiquent depuis longtemps.
La France fait l'objet d'une procédure d'infraction de la part de la Commission européenne sur ce sujet depuis 2019. Mais peu importe à Emmanuel Macron, européen de circonstance, légaliste uniquement quand cela lui chante, qui menace ici de concert et l'idée européenne et la préservation de la biodiversité. Coup double. Approchant de la fin de cette note de blog, je laisse, un instant la parole au site internet du Chasseur Français, que je cite ici à dessein.
Voilà des arrêtés qui étaient attendus avec impatience et même avec un peu de crainte après la décision du Conseil d’État de l’année dernière qui avait « cassé » le précédent arrêté ministériel. Espérons que ceux-ci ne seront pas attaqués et que cette chasse traditionnelle pourra être maintenue cette saison.
Notre espoir est inverse : nous voulons que le droit, l'Europe et la biodiversité triomphent en cette édifiante fable.