Lutte contre la publicité : Les lobbies et la macronie main dans la main avec LR et le RN

Ce jeudi 6 avril aura lieu la première niche parlementaire des écologistes de la 16ème législature de l’Assemblée nationale. C’est l’opportunité pour les député·e·s écologistes de mettre les enjeux environnementaux et sociaux au cœur des débats, au sein d’un hémicycle qui ne les aborde que trop peu. À ce titre, l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition visant à l’interdiction de toute forme de publicité numérique et lumineuse dans l’espace public semblait abonder d’un bon sens à la fois social et climatique. Mais le débat n’aura pas lieu : la proposition à été torpillé par les lobbies de la pub, avec le soutien enthousiaste de la macronie, des Républicains et du Rassemblement national.

Ce débat à l’assemblée devait être un moyen d’affirmer un retour du politique dans le secteur de la pub. Car les écologistes, sur tous les fronts, ont multiplié les initiatives visant à réguler un secteur libéralisé à l’extrême. Ce fut, le cas au Sénat, lors de l’examen de la loi « Climat et résilience » en 2021, mais aussi au Parlement européen en 2020, quand David Cormand a fait adopter un rapport ambitieux pour la durabilité du marché unique. Cette initiative soulignait déjà « l’importance d’une publicité responsable respectueuse des normes publiques relatives à l’environnement et à la santé des consommateurs ». À Lyon, À Grenoble, les règlements locaux de publicité sont plus ambitieux que jamais.

En se saisissant de ces enjeux, les élu·e·s écolos sont les garants du respect d’une volonté citoyenne exprimée, résolue – et pourtant bafouée. En effet, la Convention pour le climat s’était faite porteuse d’un élan : le panel tiré au sort avait insisté pour intégrer la publicité aux pratiques à encadrer pour mener à bien la transition écologique, ce qui n’avait initialement pas été prévu. Avaient ainsi été proposées les interdictions de la publicité pour tous les produits les plus polluants, de la publicité par avion… mais aussi l’interdiction de tous les supports de publicité en extérieur, et à fortiori numériques. Proposition qui, comme la majorité de celles issues du rapport de la Convention citoyenne, aura tôt fait d’être enterrée - au mépris des promesses de démocratie participative d’un gouvernement finalement peu inspiré par la sagesse populaire.

Pourtant, de nombreux élus dont David Cormand avaient rappelé le bienfondé d’une interdiction des écrans numériques en 2022 via une pétition, alors que l’opinion publique était préparée à des « délestages partiels » pour l’hiver – des coupures de courant. Encore une fois, l’appel était resté lettre morte.

Aujourd’hui pourtant, la droite et l’extrême droite, main dans la main, ne se privent pas de qualifier d’extrêmes ou de sectaires ces propositions pourtant portées par 95% du panel de la CCC, par 80% de l’opinion, et par de nombreuses associations. La travail de sape effectué en commission, qui a dénaturé le texte, prouve bien que la perspective du débat effraie ceux dont l’obédience va d’abord aux consortiums de publicité et à leurs lobbys.

Alors que ce sur quoi ont mis le doigt les citoyen·enne·s et les élu·e·s est essentiel. Notre modèle de publicité est absurde, et plus particulièrement dans un contexte de raréfaction des ressources et d’inflation. Il tient debout un modèle global qui ne l’est pas moins et sous-tend des logiques consuméristes de moins en moins compréhensibles.

Sur la forme, la publicité, en plus de polluer, nuit aussi bien au bien-être qu’à la salubrité de l’espace public. Ainsi, selon un rapport de l’ADEME de 2020, un panneau publicitaire connecté de 200 kilos et 2 mètres carrés aura nécessité plus de 8 tonnes de ressources et consommé en un an autant qu’un foyer de trois personnes. Il aura, par la même occasion nui à la biodiversité et à la santé par son intensité lumineuse, et potentiellement capté sans leur consentement les données des passants à proximité – avant d’être remplacé en un peu moins de dix ans.

Tout cela pour diffuser, peut-être, un encouragement à acheter un SUV, à renouveler une garde-robe, ou à partir en Crète en avion pour le week-end. Car sur le fond, la loi permet à la publicité de transmettre des messages et d’encourager des comportements en contradiction avec des objectifs de durabilité pourtant communément admis et affichés. Au point d’être un frein à la transition écologique.

C’est pourquoi l’objet publicitaire doit être mieux pris en charge par les pouvoirs publics nationaux et européens. Le paquet législatif « économie circulaire », dont David Cormand est rapporteur de plusieurs textes, doit permettre des avancées substantielles de la comme un meilleur contrôle du greenwashing et du socialwashing, de l’obsolescence marketing ou des interdictions sectorielles de publicité. Bien évidemment, au Parlement européens, les verts combattent les mêmes oppositions que celles qui, ce jeudi, ont privé les Français d’un débat salutaire. Face à ces réactionnaires, l’Union Européenne est une force prescriptive : faire accepter au Parlement et à la Commission que la publicité est un levier d’action envisageable, c’est légitimer l’essaimage du débat dans tous les états-membres.

Ce qu’avaient prévu avec clairvoyance les député·e·s écologistes de l’Assemblée nationale à l’occasion de leur niche parlementaire s’inscrivait dans la continuité de la lutte. La question de l’affichage publicitaire numérique est urgente, et est à la croisée de plusieurs enjeux, comme l’impact du numérique ou l’évolution des habitudes de consommation. Les écolos, en proposant une réponse praticable à ces problématiques, ont fait preuve de raison et de maturité. Leur action fait espérer que les luttes antipub, à Bruxelles et à Paris, se nourrissent l’une l’autre, puisqu’elles ne sont finalement qu’une. Mais le temps presse, et certains jouent avec le sablier.

Cette niche parlementaire nous donne l’exemple des l’obstructions passives que nous dénonçons. Les représentants et lobbys publicitaires peuvent comptent sur l’inaction de dirigeants acquis à leur cause : celle de la consummation outrancière boostée à grands coups de panneaux électriques.

Face à ce cynisme, la réponse des écologistes est claire : c’est sur tous les fronts et que ce modèle de publicité climaticide et injuste doit être combattu. À des groupes parlementaires amorphes et béats sera opposée partout une lutte déterminée, tenace, méthodique et coordonnée.

 

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