Paquet budgétaire : des avancées importantes, et encore beaucoup de chemin à parcourir
Le Parlement européen a adopté le 16 décembre le budget pluriannuel de l’UE, l’accord interinstitutionnel qui entérine des avancées à venir, notamment pour les ressources propres et la conditionnalité « Etat de droit ». Ce paquet budgétaire est accompagné d’une résolution du Parlement qui évoque notamment les conclusions du Conseil européen des 10 et 11 décembre. Ces votes clôturent le processus de négociation engagé depuis de longs mois, et ouvrent un nouveau chapitre budgétaire où tout reste à faire.
C’est la première fois que le groupe Verts-ALE soutient le cadre financier pluriannuel. Notre travail a permis d’obtenir de nombreuses avancées, notamment pour le climat et la biodiversité, avec des objectifs chiffrés pour l’un et l’autre : 30% de dépenses pour le climat, dès maintenant ; et progressivement arriver à 10% de dépenses pour la biodiversité .
Surtout, pour la première fois, l’Union européenne a décidé d’un endettement commun, pour financer le plan de relance de 750 milliards d’euros. C’est un acte de solidarité extrêmement important au sein de l’Union européenne. « De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins »
Ce paquet est aussi la démonstration que la volonté politique peut permettre d’écarter les absurdes règles austéritaires et le mécanisme néfaste du semestre européen.
Et enfin, les institutions européennes ont adopté un mécanisme pour conditionner le versement des fonds européens au respect de l’Etat de droit. Ce mécanisme est imparfait, mais c’est outil un outil au service de la démocratie et de la protection du budget européen, parfois indûment accaparé par des oligarques.
Malheureusement, ce budget et ce plan de relance ont beau être historiques, ils sont insuffisants.
Les montants finalement trouvés ne sont pas à la hauteur, et d’autant moins maintenant que la deuxième vague épidémique frappe l’Europe et qu’on sait qu’il y en aura d’autres. Avec un CFP de seulement 1 074 milliards d’euros (auxquels s’ajoutent 12 milliards de « top-ups » arrachées par le Parlement), et un plan de relance 750 milliards d’euros, dont seulement 390 en subventions, les Etats membres ont joué petit bras. Le Parlement demandait un total d’au moins 3 324 milliards (budget pluriannuel + plan de relance).
Ce sont les Etats membres qui se sont montrés réticents à des montants plus élevés. Alors que l’Europe aurait pu être à la hauteur, ces sont les Etats-nations qui ont freiné la solidarité et de plus grandes avancées.
Car les Etats ont aussi fait obstacle à l’ambition du Parlement en ce qui concerne les ressources propres. Les ressources propres permettent de déployer une fiscalité juste, au service du projet européen. De nouvelles ressources propres viendront pénaliser les pollueurs et ceux qui échappent à l’impôt : taxe carbone aux frontières, taxe sur les plastiques, taxe sur les services numériques, et taxe sue les transactions financières. La création de nouvelles ressources propres est donc une bonne nouvelle, mais le calendrier est peu ambitieux, et de nombreuses questions restent en suspens. Ces nouvelles ressources propres devront pouvoir couvrir le remboursement du plan de relance, mais les Etats ont refusé de s’engager plus avant, reportant les discussions.
C’est particulièrement flagrant dans le cas de la taxe sur les transactions financières (TTF). Selon une étude de la Commission, la TTF pourrait rapport jusqu’à 57 milliards d’euros par an à l’Union européenne ! Presque 40% du budget annuel de l’UE. Or, le débat est renvoyé à la coopération renforcée, prenant le risque d’une TTF étriquée, entre peu d’Etats, sur une assiette étroite, qui ne rapporterait que 3 milliards par un, autrement dit une misère.
Certains Etats tiennent un double-discours : on proclame dans les médias qu’il faut plus de solidarité européenne, mais on œuvre en coulisse pour limiter et retarder cette solidarité. C’est le cas de la France, qui défend en réalité une TTF aux petits bras.
La somme de ces forfaitures fait du Conseil le poids mort de l’Union : sur la question des montants budgétaires, sur la fiscalité juste, mais aussi sur la lutte contre l’évasion fiscale, le verdissement des politiques européennes, ce sont toujours les Etats qui bloquent ou qui freinent, et ne fait des concessions finalement que sous la pression du Parlement. Le Parlement, seule institution européenne élue au suffrage universel direct, devra continuer à batailler pour que les promesses obtenues soient mises en œuvre.
Pour la solidarité, pour une fiscalité juste, pour le verdissement de l’UE, tout reste à faire.