Sauvetage de l’usine de la Chapelle Darblay : une victoire de salariés lanceurs d’alerte
Il y a de temps en temps des motifs de satisfaction dans le flot des mauvaises nouvelles. Et des nouvelles qui redonnent de l’espoir car elles récompensent des combats légitimes et servent de justes causes. Le 10 mai dernier, la Métropole de Rouen a transféré à la société Veolia la propriété du site de l’usine papetière de la Chapelle Darblay afin qu’elle puisse y valoriser les papiers et cartons recyclés collectés auprès de 24 millions de français·es.
Petit rappel des épisodes précédents. En juin 2020, l’industriel finlandais UPM décidait de la fermeture du site qui valorisait 350.000 tonnes de papiers recyclés en dépit du fait qu’il était excédentaire. Dans le même temps on apprenait qu’UPM prévoyait la création en Uruguay d’une nouvelle usine de pâte à papier à partir de bois d’eucalyptus.
On passait donc d’un projet vertueux — valoriser les papiers et les cartons recyclés pour leur donner une seconde vie — à un cauchemar écologique : planter des eucalyptus aux effets néfastes démontrés pour l’environnement.
Face à ce désastre industriel et écologique, il faut souligner le remarquable travail des syndicats qui ont agi en lanceurs d’alertes en empêchant la fermeture en catimini du site par UPM connue pour saboter ses machines afin d’empêcher leur rachat par ses concurrents. Pendant deux ans ils ont multiplié les rencontres et les réunions et ont démontré que ce site avait un avenir industriel avec un débouché pour les papiers et cartons recyclés par 40 % de la population française. Plutôt que d’être incinérés ou envoyés en camions en Allemagne les papiers pouvaient être transformés en cartons d’emballage (papier ondulé) ou en ouate de cellulose pour l’isolation thermique. Ce nouveau projet industriel avait en outre l’intérêt de ne pas constituer une concurrence directe à UPM.
Malheureusement dans un premier temps les lanceurs d’alertes étaient bien seuls dans la défense de l’intérêt collectif. Que ce soit l’Europe ou l’État ils étaient prêt à capituler devant UPM en soutenant un projet hypothétique de production d’hydrogène. Cela interroge sur les connivences qui peuvent exister entre la sphère publique et certains industriels et l’inefficacité relative des politiques publiques européennes pour engager, réellement, la transition écologique.
Sacrifier un site traitant 40 % des papiers et cartons recyclés de la France pour fabriquer un peu d’hydrogène aurait été un contre sens écologique.
Heureusement, le travail de conviction de nos lanceurs d’alerte a su convaincre la Métropole de Rouen de s’engager en préemptant le site de la Chapelle Darblay. Cette décision a forcé la main à l’État qui a été contraint de faire pression sur UPM pour qu’elle préserve l’outil de production et ne brade pas le site pour un projet de production d'hydrogène.
Le sauvetage de la Chapelle Darblay démontre qu’il n’y a pas de fatalisme à la désindustrialisation de notre pays ni face à l’arbitraire du libéralisme qui ferme des sites rentables à haute valeur environnementale.
Cependant cela nécessite souvent des citoyen·ne·s mobilisé·e·s autour de la défense de l’environnement et des acteurs publics à leur écoute.
Ce 10 mai dernier une étape importante a été franchie dans la sauvegarde du site de la Chapelle Darblay donnant du sens à l’acte civique de tri effectué par 24 millions de nos concitoyen·ne·s.
Pour en savoir plus :
Site de la CGT Chapelle Darblay : http://cgtchapelledarblayupm.unblog.fr/
En Uruguay, la société civile s’oppose aux implantations d’UPM : https://www.wrm.org.uy/fr/ameriques/uruguay