Macron/Morin : le parti de l’agriculture chimique
Alors que la sécheresse et la guerre en Ukraine font peser des menaces de famines dans le monde, les partisans de l’agriculture chimique cherchent à profiter de la situation pour affaiblir les normes environnementales.
Ainsi, le 23 mars dernier, l’Union européenne a donné la possibilité aux Etats membres de déroger à l’obligation de mise en jachère des terres pour « accroître le potentiel de production agricole pour l’alimentation humaine et animale ».
La France s’est empressée de se saisir de cette possibilité par arrêté le 28 mars avec des conséquences catastrophiques pour la biodiversité.
La LPO rappelle dans son avis que les jachères sont des espaces privilégiés pour les oiseaux nicheurs et que les populations de gibiers de plaines y sont cinq fois plus importantes qu’ailleurs. Elles ne représentent en outre que 1 % de la surface agricole utile avec environ 300.000 hectares de terres en jachère.
Il est scandaleux que la France ait fait le choix de fragiliser davantage la biodiversité déjà mise fort à mal par notre modèle productiviste.
Mais c’est hélas une constante pour la France de promouvoir un modèle agricole obsolète et destructeur…
Et quand l’Europe n’autorise pas le pire, la France sait assumer une « désobéissance » – le terme est à la mode – aux règles environnementales européennes en général, et donc celles relatives à l’agriculture en particulier.
C’est ce que nous révélait un article du journal Le Monde du 4 mai. Ainsi, dans un courrier du 31 mars dernier, la Commission européenne rappelait à l’ordre la France au sujet de l’usage qu’elle fait de l’argent de la Politique Agricole Commune (pourtant pas aussi verte qu’elle devrait l’être…). En particulier, Bruxelles mettait en cause la passion de notre pays pour le greenwashing. Par exemple la promotion de labels peu exigeants – comme la certification « haute valeur environnementale » – auxquels elle accorde des subventions non justifiées qui devraient aller aux paysans qui pratiquent vraiment une agriculture bio et paysanne.
Dans le même temps, la France a arrêté les aides au maintien de l’agriculture bio… Et oui, il y a bien une logique politique derrière ces choix…
Mais ce n’est pas tout, la Commission européenne reproche également à la France l’absence d’objectifs de réduction des émissions de l’élevage, le faible niveau de protection de la ressource en eau et de lutte contre les pollutions agricoles, l’absence d’objectifs sur les surfaces favorables à la biodiversité, la possibilité de retourner une partie des prairies permanentes, … Rien que ça…
Mais revenons à cette permission de mette fin aux jachères, dont les espaces qu’elles occupent sont censées être « indispensables » à l’augmentation de la production que nous devons assumer…
Si Emmanuel Macron voulait réellement préserver l’environnement tout en récupérant de la surface agricole utile (SAU), il aurait mieux fait de remettre en question les millions d’hectares consacrés à la production des agrocarburants représentant plus de 4 % de la SAU, soit 4 fois plus que les jachères.
L’Europe et l’État ne sont pas les seuls à blâmer dans ce scandale environnemental.
En Normandie, la Région a présenté sa nouvelle politique agricole qu’elle compte faire approuver en plénière le 20 juin prochain. Elle continue de donner la part belle aux filières dites « d’excellence », basées sur un modèle productiviste et tournées vers l’exportation.
Toujours en Normandie, une société de Dubaï prétend construire une giga-raffinerie de betteraves pour la production de sucre blanc et d’agro-carburant.
Rappelons que les betteraves sont produites avec des néonicotinoïdes néfastes pour l’environnement et la santé humaine. Et rappelez-vous que lorsque la France est revenue sur l’interdiction des néonicotinoïdes, la betterave avait été l’exemple qui nous avait été servi avec pour argument la nécessaire « souveraineté » de la France en matière de sucre… On voit la sincérité du raisonnement…
En outre, l’éthanol de betterave n’est en rien vertueux écologiquement ou d’un point de vue sanitaire, il entraîne même une surmortalité de 4 % par rapport aux carburants fossiles.
Enfin, dans le contre-exemple normand, elles seront acheminées par camions de leur zone de production dans le Calvados et la Somme vers l’usine qui pourrait s’implanter dans la zone portuaire de Rouen.
En matière d’environnement et de santé public, le « en même temps » cher à notre Président ne saurait prévaloir.
Si nous voulons préserver notre santé et notre environnement nous devons tourner la page du modèle agricole productiviste et nous engager résolument dans le soutien d’une agriculture biologique à taille humaine.
L’Union Européenne et la France par leurs décisions de mars sont allées à contre-sens de l’Histoire.
Et hélas, la tentation est grande pour les régions, surtout quand elles ont une faible préoccupation de la question écologique, de leur emboîter le pas. C’est le cas de la Normandie qui s’enferme davantage dans une vision obsolète de l’agriculture et de notre économie, au détriment des paysans, de nos paysages, de nos territoires et de la santé de celles et ceux qui y vivent…
Pour en savoir plus :
« Une politique régionale agricole à contre-courant des défis de notre époque » : retrouvez le communiqué de Normandie Ecologie !
Un article de GEO sur l’importance écologique et agronomique des jachères : https://www.geo.fr/environnement/pourquoi-la-jachere-est-elle-importante-pour-lecologie-et-lagronomie-208637
Crédits image : Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)