En finir avec les complaisances toxiques

Le glyphosate est un herbicide produit depuis 1974 par Monsanto (entreprise rachetée en 2018 par l'allemand Bayer pour 63 milliards de dollars), principalement utilisé dans les grandes cultures céréalières et pour le désherbage des voies ferrées et sites industriels.

L'industriel a été condamné en 2018 à verser 289,2 millions de dollars à Dewayne Lee Johnson, jardinier américain en phase terminal d'un cancer du système lymphatique attribué à son exposition à des herbicides contenant du glyphosate (Ranger Pro et Roundup Pro).

Au-delà de ce cas tragique, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), une agence intergouvernementale dépendant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé dès 2015 l'herbicide en probable cancérigène.

Pourtant, le glyphosate n'est toujours pas interdit en Europe. Pire, sous pression des lobbys de l’industrie chimique et du monde agricole productiviste, la Commission a cherché le 13 octobre dernier à reconduire pour 10 ans l'autorisation du glyphosate qui expire le 15 décembre de cette année.

Heureusement la Commission n'a pas réussi à réunir de majorité qualifiée, soit 15 états membres sur 27, la France s'étant « courageusement » abstenue dans l'affaire.

Malheureusement on aurait tort de se réjouir de cet échec car la pression des lobbys va se maintenir pour amener les États membres à se prononcer sur un texte remanié plus « consensuel ».

En matière de produits chimiques malheureusement les industriels ont tendance à souvent avoir le dernier mot avec la complicité des états pourtant sensés veiller à notre sécurité.

A titre d’illustration, je voudrais rebondir sur un incident survenu à Rouen en mai 2021 avec la pollution aux pesticides dans la Seine au niveau du bassin Saint-Gervais visible par la présence d'un liquide « bleu foncé ».

A l'époque la pollution était passée relativement inaperçue et le communiqué de presse de la Préfecture se voulait rassurant en mettant en avant « une pollution très inférieure aux seuils » précisant « qu'aucun impact n'a été constaté ».

Circulez, il n'y a rien à voir.

Au détail près que le tribunal administratif de Rouen tenait séance lundi 16 octobre dernier pour statuer sur l'affaire. Il nous apprenait que le polluant qui n'avait provoqué « aucun impact » était en fait un « pesticide agricole interdit à l’utilisation en France et utilisé pour enrober les grains de colza ».

Interdit à l’utilisation en France donc mais autorisé à transiter sur la métropole de Rouen pour être réexporté (sic).

Et c'est là que le bât blesse.

Dans son rapport la DREAL souligne « des problèmes en matière de sécurité » avec un « manque criant de formation des salariés ».

Lorsque le manutentionnaire a percé le bidon de 1000 litres de produits interdits, les salariés ont visiblement paniqué et l'encadrement n'a pas brillé par son esprit d'initiative. « Rassurant » pour une entreprise de transport de matières dangereuses.

Des associations de défense de l'environnement, la ville de Canteleu et la Métropole se sont portées partie civile dans cette affaire dans laquelle la société encourt 9.000 euros d'amendes, les parties civiles réclamant 148.000 € de dommages et intérêts, la décision est pour novembre.

Quels enseignements je tire de cette sinistre affaire ?

L’État, en toute circonstance ne protège pas ses concitoyen·nes mais les intérêts des industriels. Réclamer 9.000 euros d'amende pour avoir déverser 1.000 litres de pesticide interdit en France est une honte, pire une incitation pour les industriels à continuer à rogner sur la formation de leurs employés et la sécurisation de leurs sites.

Heureusement, les tentatives de l’État pour dissimuler ces affaires sont battues en brèche par la vigilance des associations de protection de l'environnement, avec parfois le soutien des collectivités locales qui n'hésitent pas à attaquer en justice les industriels voyous. Il faut toutefois noter que l’État tend à criminaliser les militant·e·s écologistes en les qualifiant d'écoterroristes.

A l'échelle de l'Europe, je dois dire que la volonté actuelle de la Commission de prolonger de 10 ans le glyphosate est lunaire.

Comment peut-on à la fois continuer à autoriser la vente d'un poison, probable cancérigène, tout en prétendant mettre l'environnement au cœur de son projet au travers du Pacte Vert ou Green Deal ?

D’autant que le glyphosate est l’arbre qui cache la forêt des produits toxiques dont l’usage est massif et dont notre modèle agricole actuel est prisonnier. Cet enfermement dont l’Union européenne se rend complice est non seulement criminel d’un point de vue de santé publique et environnementale, mais elle est aussi irresponsable vis à vis d’une filière agricole européenne qui doit évoluer pour répondre aux enjeux des temps à venir et permettre aux paysans de vivre de leur travail.

En attendant, les masques n’en finissent pas de tomber... les pseudos champions de l'écologie font la preuve de leur véritable allégeance aux lobbys et démontrent leur absence totale de volonté à préserver l'environnement et la santé quand les intérêts économiques des firmes qui spéculent sur la destruction de la nature sont en jeux.

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TOTALement irresponsable