Les tempêtes nous rappellent que nos forêts sont en train de mourir
Les tempêtes Ciarán et Domingos viennent de frapper durement le l'Ouest et le Nord de la France entraînant leur lot de dévastations avec plus de 120.000 demandes de d'indemnisation.
La Normandie fait partie des régions les plus durement touchées avec pour symbole la forêt de Saint-Patrice-de-Claids dans la Manche détruite à 80% dans la nuit du 2 novembre lors du passage de Ciarán (photo de couverture et vidéo ci-contre).
Cette forêt de 72 hectares, située dans le parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin, est classée Natura 2000, le niveau européen de protection le plus élevé au vu de son intérêt écologique.
Le Préfet en visite sur place a estimé qu'il faudrait 20 à 30 ans pour régénérer la forêt. Mais on peut se demander si la multiplication des événements climatiques extrêmes laissera réellement le temps à la forêt de se régénérer pour lui permettre de retrouver un état écologique équivalent.
Ces phénomènes météorologiques extrêmes sont loin d'être isolés. A l'échelle européenne, on compte en moyenne par an deux tempêtes majeures qui frappent les forêts européennes.
En outre, ces événements climatiques ne sont pas les seules menaces qui pèsent sur la forêt européenne. On estime que chaque année 6% de la forêt européenne, qui s'étend sur 158 millions d'hectares soit 37,7% du territoire européen, sont endommagées par une de ces menaces : incendies de forêt, sécheresses, tempêtes, pollution atmosphérique, insectes et maladies.
Enfin, le réchauffement climatique en lui-même fragilise les espèces avec des températures plus élevées par rapport aux latitudes auxquelles elles étaient adaptées.
Cette détérioration de nos forêts a aussi des effets sur leurs capacités à capter le CO2 : dans l’Est de la France, les forêts rejettent d’avantage de CO2 qu’elles en emmagasinent…
Bref, pour le dire simplement, nos forêts meurent à petit feu dans une quasi indifférence et elles ne seront bientôt plus en capacité de favoriser la biodiversité ou de remplir une fonction de puits à carbone.
Les pouvoirs publics n'ont clairement pas pris la mesure du désastre écologique qui nous menace, à commencer par l'Europe qui consacre la quasi totalité des moyens de la PAC à l'agriculture industrielle.
La France n'est pas en reste avec sa politique de marchandisation de la forêt au détriment de la biodiversité. Cela s'illustre par la pression exercée par Bercy sur l'Office national des forêts (ONF) pour qu'il exploite toujours plus les forêts dont il a la gestion sous peine de dissolution de l'institution.
Dans une société d'urbains, les forêts sont trop rarement au cœur de nos préoccupations quotidiennes. On se mobilise, à raison, contre la coupe des arbres dans nos rues mais on a tendance a oublier le rôle déterminant de nos forêts dans la préservation de notre écosystème et par conséquent pour notre propre survie.
Je me rappelle ce dicton: « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse. » Mais que se passe-t-il lorsque ce sont les forêts qui tombent et que les arbres ne poussent plus?
Il est urgent de repenser notre modèle forestier à l'échelle française et européenne.
Il nous faut d'abord une vraie politique forestière dotée de moyens à la hauteur des enjeux.
Cette politique doit rompre avec l'approche actuelle d’industrialisation de la forêt pour accorder la priorité à sa résilience en matière de biodiversité et à son adaptation aux changements climatiques.
La chaîne de valeur de la filière bois doit être complètement ré-localisée. Le bois prélevé doit être transformer en Europe. La filière biomasse doit être régulée. de la même manière qu’on ne cultive pas des patates pour leurs épluchures, on ne doit plus faire pousser un arbre ou le couper uniquement pour produire de l’énergie.
La forêt ne peut plus être une simple variable d'ajustement budgétaire ou économique, c'est un commun qu'il nous faut chérir pour ce qu’elle est et - aussi - pour mieux nous préserver nous-mêmes.
Photo de couverture : Ouest-France