TOTALement irresponsable
La sagesse populaire veut qu'on apprenne de ses erreurs. Mais cet adage est ignoré de la part de ceux qui spéculent sur la prédation de la nature et la destruction de l’environnement.
Ce que nous, commun des mortels, appelons « erreur » est pour eux le cœur même de leur business model.
La métropole de Rouen a connu son lot d'accidents voire de catastrophes industrielles. On serait en droit de penser que tant les industriels que l’État en ont tiré les enseignements en mettant au cœur de leurs préoccupations la sécurité des habitant•es de la métropole.
Les révélations récentes de la presse locale sur l'entrepôt de Total Lubrifiant, site classé Seveso, à Grand Quevilly montre qu'on est loin du compte.
En effet, on vient d'apprendre que les services de l’État, la DREAL, ont effectué une série de contrôles qui ont identifié des anomalies qui je cite « font courir un risque d'incendie non contrôlable ».
Comment est-il possible qu'après la catastrophe de Lubrizol de 2019 il y ait encore des sites industriels Seveso sur la métropole de Rouen dont le système n'est pas pleinement opérationnel pour faire face à un risque d'incendie ?
On n'est pas en train de parler d'un obscur industriel en difficulté incapable de faire face à ses obligations sécuritaires ! On parle de Total, géant mondial de l'énergie qui a doublé ses profits en 2022 atteignant le record de 36,2 milliards, soit pas loin de 40 fois le déficit des hôpitaux publics.
En dépit de cette manne financière astronomique assemblée sur le dos de l’environnement, des français•es et de leur avenir, le groupe continue à mégoter sur notre sécurité alors même que la métropole a connu récemment un incendie industriel d'ampleur avec la destruction d'un entrepôt Bolloré de 6.000 m² à Grand-Couronne le 16 janvier 2023.
L'attentisme de Total est inexplicable et inexcusable.
Depuis 2017 l’État a fixé les mesures à prendre pour sécuriser le site dans un arrêté ministériel du 11 avril 2017.
Après la catastrophe de Lubrizol le site a été contrôlé comme tous les sites Seveso pour constater que le site n'était toujours pas sécurisé, donnant lieu à deux rapports de la DREAL en octobre 2020 et février 2021.
Et malgré tout cela, à l'occasion d'un énième contrôle en 2023, la même DREAL constate que Total ne s'est toujours pas mise en conformité avec ses prescriptions.
Mais la métropole de Rouen n’est pas seule à être touchée par les risques industriels liés aux activités de Total. Dans la zone industrielle du Havre, le 27 septembre dernier, d’immenses panaches de fumés au niveau des torchères de la raffinerie Total ont été provoqués par un incident.
Consternant.
Révoltant.
Toutefois la responsabilité de Total n'est pas la seule à incriminer. L’État est, bien que dans une moindre mesure, également responsable.
Car si l'Europe a doté nos pays de l’arsenal juridique pour agir avec la directive Seveso, qui fixe des règles pour les sites industriels à risques, encore faut-il que les états membres témoignent d'un minimum de volonté à les faire respecter.
Or en matière de volontarisme en sécurité industrielle il y a les paroles et les actes.
Après Lubrizol l’État s'était engagé a augmenté de 50% les contrôles ; Il a recruté en tout et pour tout à l’échelle nationale 50 inspecteurs à mettre en perspective avec les ... 500.000 établissements classés !
Total ne met pas en sécurité ses établissements, l’État va-t-il le sanctionner ?
Pas du tout, dans son nouvel arrêté le Préfet donne jusqu'au 30 septembre 2027 pour se mettre en conformité, soit 10 ans après le premier arrêté ministériel qui avait fixé les travaux à réaliser.
J'ai vraiment le sentiment que notre sécurité ainsi que celle des salarié•es de l’entreprise sont le cadet des soucis de ce Gouvernement. En fait, il préfère s'acharner sur les migrant•es ou stigmatiser les écologistes en les qualifiant « d’écoterroristes » plutôt que s'attaquer aux risques qui menacent réellement nos concitoyen•nes.
Faible avec les forts, fort avec les faibles.
C’est la ligne de conduite du Gouvernement qui favorise l’économie de la rente des fossiles en autorisant, par exemple, l’absurde terminal méthanier du Havre qui va importer du gaz de schiste américain, l’un des plus polluants au monde, alors que nos stocks de gaz sont au plus haut et que la priorité devrait être mise sur la sobriété énergétique et les énergies renouvelables.
Après cette pantalonnade, le Président de la République peut toujours nous parler de planification écologique, mais ses paroles se dispersent dans le vent sitôt prononcées.
Reste les faits : La soumission à la rapacité de certains groupes multinationaux et la légion d’honneur remise au PDG de Total...
Ce qui se passe localement, dans notre Région, dans la métropole de Rouen ou du Havre, s’inscrit dans un contexte global où les risques et les menaces liés à l’économie des fossiles ne cessent de révéler ses dangers et son cynisme systémique.
Le groupe Total prévoit d’augmenter sa production d’hydrocarbure de 3% par an jusqu’en 2026. Alors même que nous devrions réduire de moitié nos émissions actuelles d’ici 2030, c’est à dire faire autant en 7 ans que ce qui l’a été entre 1990 et 2023…
Quelques jours avant l’invasion de l’enclave arménienne du Haut-Karabagh, le patron de Total, Patrick Pouyanné, était en Azerbaïdjan pour négocier l’exploitation de gaz avec les dirigeants de cette dictature qui est en train de pratiquer un nettoyage ethnique.
L’industrie du pétrole et des hydrocarbures ne met pas seulement en danger les populations actuelles. Elle est le carburant d’une économie punitive qui menace la paix et notre avenir.