Monsieur Morin : moins de bitume, plus de trains !

Rapport du GIEC après rapport du GIEC, ce groupement international de scientifiques qui évaluent l’ampleur du dérèglement climatique et en établissent les causes d’origine humaine, nous ne cessons d’être alertés sur la nécessité vitale, existentielle, de faire évoluer notamment nos modes de déplacement.

Les déplacements individuels motorisés sont parmi les premières causes de nos émissions de gaz à effet de serre.

Nous le savons, les infrastructures de transport telles qu’elles ont été pensées et développées depuis trois quarts de siècle l’ont été au profit de la voiture. Dans la même période, le « déménagement » du territoire opéré par les différents responsables politiques, de droite comme de gauche, n’a cessé de nous rendre dépendant de nos voitures : étalement urbain, centres commerciaux en périphérie, éloignement entre le domicile et le travail, désertification rurale, abandon des services publics de proximité. Bref, ils ont tout fait pour nous rendre dépendant de la bagnole. Autrefois symbole de liberté, nous en sommes désormais captives et captifs : de plus en plus cher à l’achat et à l’entretien, de plus en plus grosses, et avec en prime l’augmentation du prix de l’essence, la voiture prend de plus en plus de place dans nos budgets.

La promesse initiale selon laquelle notre autonomie serait garantie par notre automobile s’est transformée en malédiction pour notre niveau de vie. Et c’est évidemment encore pire pour les plus pauvres qui, sans voiture qu’ils n’ont plus les moyens de se payer, se retrouvent encore plus éloignés non seulement du travail mais aussi de lien social, culturel, amical…

Pour répondre à cette situation de manière pérenne, il faut changer de modèle. L’un des outils le plus efficace et le plus rapidement accessible pour les autorités publiques est le développement des transports collectifs.

Bien sûr, développer des nouveaux réseaux prend du temps, mais en revanche, développer et favoriser les réseaux existants est assez facile… Il n’y a aucune difficulté technique. Il s’agit seulement de décision politique.

Or, depuis le 28 mars 2022, le nombre de trains circulants sur le réseau normand a été réduit par la Région d’environ 20 %.

Cette décision fait suite à la baisse constatée dans l’ensemble des réseaux de transports en France face à la pandémie de Covid. Elle est estimée sur le réseau normand à 10 % en 2022.

La réduction de l’offre est scandaleuse d’un point de vue environnemental. On l’a dit, elle est en contradiction avec les différentes préconisations du GIEC ainsi qu’avec les objectifs des accords de Paris de 2015 qui visent à limiter à 1,5 degrés le réchauffement climatique.

Mais plus directement pour les normandes et les normands, elle est injuste socialement au moment où les ménages sont à la recherche d’alternatives pour leurs déplacements en voiture face à l’envolée des prix de l’essence.

Cette décision tranche avec l’attitude de la Métropole de Rouen qui, confrontée à la même baisse de fréquentation sur son réseau, a opté pour une tout autre réponse : une augmentation de 10 % de l’offre à compter de septembre 2022 pour inciter les usagers à revenir et en attirer de nouveau.

La Région semble définitivement indifférente aux préoccupations des normands pour leur mobilité du quotidien. Elle préfère investir 205 millions dans une autoroute à péage (Liaison A28-A13) que d’aider les ménages à réduire leur facture « déplacements ».

Le renouvellement des trains à partir de 2020 ne saurait suffire en tant que politique ferroviaire. Ce dont ont besoin les normands c’est d'une augmentation de la fréquence, des amplitudes horaires et la réouverture des gares de proximité. C’est à dire une politique qui préserve la planète tout en redonnant du pouvoir de vivre aux normands.

Les grands changements dont notre société a besoin afin de conjuguer préservation de la planète et justice sociale exigent de la constance et de la cohérence de la part de responsables politiques ayant pleinement conscience des enjeux des temps qui viennent.

En utilisant l’alibi de la crise COVID pour justifier des coupes sombres dans l’offre de transports ferroviaire, le Président de la région, pourtant en charge des transports, nous fait faire un grand bond en arrière que nous allons, au sens propre comme au figuré, payer cher.


 

Crédits image : Patrick Janicek (CC BY 2.0)

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