La Région Île-de-France contre Le train Paris Normandie. L’étrange combat de Valérie Pécresse

Lors de la session du Conseil régional d’Île de France du 11 septembre, Valérie Pécresse, Présidente de la région a fait adopter par sa majorité une motion indiquant la fin du soutien à la Ligne Nouvelle Paris Normandie. 

Ce changement de position aussi brutal qu’inopiné était accompagné d’une charge violente contre cet aménagement, le dépeignant tout à la fois comme un cauchemar écologique, une menace pour l'emploi dans le département des Yvelines et un risque de graves perturbations du transport ferroviaire.

La conséquence de ce changement de pied est que la collectivité Île de France signifie désormais son refus d'inscrire la LNPN dans le Schéma directeur d'aménagement de l’Île de France (SDRIF-E) et a demandé à l’État d'abandonner le projet. 

Devant autant de légèreté, d’amateurisme et d’approximation, on reste sans voix.

Le projet LNPN tel qu’il est aujourd’hui est l’aboutissement d’un long travail entre les différentes collectivités concernées par l’aménagement de ce que l’on appelle « l’axe Seine » et du « grand Paris », avec des concepts tel que « faire du Havre le port de Paris »…

J’ai toujours été sceptique sur l’imaginaire politique que véhiculent ces termes car ils suggèrent à la fois une centralité excessive de la Seine envisagée avant tout comme un axe économique tournée autour de la gestion de flux commerciaux au détriment des terres ou du littoral orientés vers une économie d’avantage endogène; tout comme une vision de la Normandie comme une excroissance de la région capitale.

Pour autant, ce projet LNPN a largement évolué et s’est stabilisé autour de ce que l’on a appelé un « phasage » qui consiste, dans un premier temps, au « doublement du Mantois », c’est à dire augmenter les capacités ferroviaires entre Paris et Mantes la jolie par le prolongement du RER E pour libérer des sillons et fluidifier la capacité et la fiabilité de la Ligne Le Havre - Rouen - Paris. Puis, d’aménager une nouvelle Gare, rive Gauche, à Rouen ainsi qu’un franchissement supplémentaire de la Seine, afin d’améliorer les capacités de transport de voyageurs du quotidien en Normandie et de fret. Enfin, l’amélioration de la ligne entre Rouen et Le Havre, puis entre les 3 « capitales normandes »: Rouen, Le Havre et Caen.

C’est donc ce compromis intelligent et planifié dans le temps qui été unilatéralement dénoncé et rejeté par la Région île de France. 

En tant qu'écologiste, je ne peux pas être insensible aux arguments avancés par Valérie Pécresse sur la préservation des espaces naturels. C’est pour cette raison que les écologistes étaient défavorables au projet initial de LGV bien plus impactant que l’actuel… (j’y reviendrais). 

C’est pourquoi je m’étonne de l’indignation sélective de Valérie Pécresse en notant que le SDRIF-E, le document stratégique d’aménagement territorial de la région IDF, prévoit l’artificialisation de 10 000 hectares d'ici 2040. 

Je constate enfin que la réalisation du Grand Paris Express et ses 60 millions de tonnes de remblais dont la Normandie a assumé « l’accueil » d'une partie sur son territoire n’avait pas suscité chez Madame Pécresse la moindre inquiétude relative aux  impacts environnementaux, que ce soit dans sa région ou dans la nôtre.

Madame Pécresse ne découvre pas le projet de LNPN et aurait eu mainte fois l’occasion d’exprimer ses réserves le concernant. Il est inscrit dans la Loi LOM de 2020 (Loi d'orientation des mobilités). Au début de cette année la région avait financé a hauteur de 25% les études liées au projet. 

Il y a quelques semaines encore, Valérie Pécresse était au Havre auprès d’Édouard Philippe et soutenait la LNPN. 

Alors pourquoi donc ce revirement ? 

Je n’en sais rien. 

Aucune des raisons officiellement invoquées n’est solide. 

Et il ne m’appartient pas de sonder les cœurs et les reins de la majorité francilienne… 

Mais une chose est sûre, l’inconséquence de cette décision, si elle devait provoquer un désengagement de l’État, entraînerait des conséquences néfastes majeures pour le ferroviaire, que ce soit pour le transport de voyageurs ou celui des marchandises, en Normandie mais aussi en Île de France. 

Pour bien comprendre, revenons sur la genèse de ce projet et son évolution que j’évoquais rapidement plus haut.

La LNPN est née médiatiquement d'une annonce de Nicolas Sarkozy en 2009 qui prévoyait donc une Ligne à Grande Vitesse pour relier Paris au Havre en 1h15… sans même s'arrêter à Rouen. Cette « nouvelle ligne » s’inscrivait dans un projet global imaginé par Antoine Grumbach de « Grand Paris ». Cette vision très « centralisatrice » de la Seine - et de la Normandie - comme prolongement de Paris vers la mer n’est pas nouvelle et était déjà imaginée à l’époque napoléonienne… 

C’est aussi l'époque du « blingbling ferroviaire » à coup de lignes TGV et de gares « champs de patates », c’est à dire au milieu d’espaces agricoles ou naturels. Ces réalisations ayant plus à voir avec des opérations de valorisation foncière qu’avec des aménagements utiles pour le train du quotidien. Notons, pour la petite histoire, que le projet de l’époque - bien plus destructeur d’espaces naturels ou agricoles, était présenté par un Gouvernent dans lequel Valérie Pécresse était Ministre…

Les écologistes s'étaient donc opposés à cette version du projet à base de TGV et de Gare excentrée pour qu’il soit repensé au service du train du quotidien. L'enjeu pour nous était de refuser un projet permettant à quelques passagers privilégiés ayant les moyens de se payer un billet de TGV de gagner quelques minutes entre Le Havre et Paris au détriment des usagers du quotidien qui ont besoin de Gares de proximité, d’horaires et de temps de parcours fiables et de prix accessibles.

Revenu à la raison, l’État avait décidé de renoncer au TGV et de traiter dans le nouveau projet LNPN les quatre principaux problèmes déjà indiqués plus haut:

  • La saturation du réseau ferroviaire entre Paris en Mantes-la-Jolie ;

  • L'incapacité de la gare de Rouen Rive Droite enterrée à accueillir plus de trafic ;

  • La dégradation croissante des liaisons Paris-Rouen ;

  • La concurrence entre le transport de personnes et de marchandises en provenance du port du Havre et à destination de l’Île de France.

C'est à ces quatre problématiques que le projet LNPN entend, principalement, apporter des réponses.

La portion de ligne nouvelle entre Paris et Mantes-la-Jolie est indispensable surtout depuis qu'il a été décidé de réaffecter les faisceaux permettant la circulation des trains normands au trafic francilien et notamment le RER E. Si on ne détourne pas les trains normands, le projet francilien ne pourra pas se réaliser dans de bonnes conditions. 

Sur la conséquence de la position de Madame Pécresse qui impliquerait de s'approprier le réseau et d'envoyer balader les normands, je me permets de rappeler que le réseau ferroviaire n'est pas régional - même quand on est la région « capitale » - mais national et que dans notre République il y a un principe constitutionnel d'égalité d'accès au service public.

Pour le dire autrement la France ce n'est pas la Loi du plus fort. Et , incidemment, la province n’est pas la variable d’ajustement de Paris.

Par ailleurs, l'autre conséquence concrète de la position de Madame Pécresse serait un développement du trafic des poids lourd, en Normandie bien sûr, mais également en Île de France sur l'A13 ou l'A14…

Le projet prévoit également une nouvelle gare à Rouen, rive gauche sur l'ancien site dit de la "Sernam". 

Cette gare est non seulement indispensable pour le projet LNPN mais aussi, voire surtout, pour les futurs RER Métropolitains avec 5 lignes potentielles identifiées par l’État, la Région Normandie et la Métropole de Rouen. 

On est là au cœur des enjeux de mobilités du quotidien. Le bassin de vie de la Métropole concerne 800.000 habitants, bien au-delà de son périmètre administratif. On peut considérer que la moitié d'entre eux n'ont pas d'alternative de transport collectif à l'autosolisme. Seul un réseau dense de RER métropolitains serait à la hauteur des enjeux sociaux, sanitaires et environnementaux liés au quasi-monopole routier actuel.

On peut regretter les bisbilles entre présidents de régions avec notamment la volonté de celui de la Normandie d’avoir un temps refusé que les trains normands s'arrêtent à Mantes-la-Jolie… On peut aussi penser que le projet de "Y" en direction d’Évreux est aussi coûteux qu'à l'utilité douteuse. La priorité à mon sens est de ré-ouvrir une liaison ferroviaire entre Évreux et Rouen comme envisagé dès 2010 alors que j'étais conseiller régional de l’ex « Haute-Normandie ».

Si les provocations d'Hervé Morin n'ont pas facilité le dialogue, l'attitude nombriliste et méprisante de la Présidente de la Région Île de France n'est pas non plus à la hauteur de ses fonctions. 

Mais surtout, ces turpitudes mesquines et les pertes de temps et d’énergie qu’elles impliquent ont des conséquences concrètes sur les gens, pris en tenailles face à des crises sociale et environnementale de plus en plus graves.

La qualité et la fiabilité des infrastructures de transport public est une des réponses les plus concrète et les plus urgente à apporter.

J'en appelle donc à la responsabilité des collectivités engagées dans ce projet et particulièrement à l’État pour qu’il rappelle les engagements pris et s’en porte garant.

Le nouveau Premier Ministre a rappelé dans sa prise de fonction notre dette écologique.

Veillons à ne pas l'aggraver.


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