Les profits au prix de pollutions éternelles ?
L'association Générations Futures a révélé tout récemment une importante pollution issue de l'activité de l'industriel BASF à Saint-Aubin-Lès-Elbeuf dans l'agglomération de Rouen. Sur le même site est également situé un établissement pharmaceutique, Euroapi, qui produit de la vitamine B12 et gère la station d'épuration pour les deux activités.
L'usine BASF avait déjà été épinglée par l'émission « Vert de Rage » pour ses rejets 300 fois supérieurs au seuil de risque environnemental en Fipronil dans les eaux issues de l'usine. Le Fipronil est un insecticide suffisamment dangereux pour être interdit en France, mais visiblement pas suffisamment puisqu’il est autorisé à l’exportation…
Cela me donne au passage l'occasion d'illustrer le scandale représenté par la signature, sans mandat, de l'accord dit « de libre-échange » par Madame Ursula Von der Leyen avec les pays d’Amérique du Sud membre du « Mercosur ». En effet, comme le Fipronil bien qu’interdit en France continue d’être exporté, nos concitoyen·nes pourraient y être exposé·es en consommant des aliments importés dans le cadre de cet accord.
Mais refermons cette parenthèse européenne pour revenir à Saint-Aubin-Lès-Elbeuf. Cette fois, ce sont les rejets en acide trifluoroacétique (TFA) qui sont incriminés par « Générations Futures » et les services de l’État, la DREAL.
Le TFA appartient à la famille des PFAS (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées), polluants éternels soupçonnés d’être cancérogènes (foie, reins) et des perturbateurs endocriniens. Concernant le TFA, des études ont pointé une toxicité pour le foie et un risque de malformation pour les fœtus.
La pollution s'explique par le fait que la station d'épuration vers laquelle sont renvoyées les eaux de rejets de l'usine est incapable d'en traiter la totalité. Résultat, selon les relevés de la DREAL et de l'association, une grande quantité du TFA se retrouve dans les effluents industriels à destination du milieu naturel.
Mais En France il n'y a malheureusement pas de seuil réglementaire de fixé pour ce polluant (TFA). Cependant, on dispose de références dans des pays voisins comme l'Allemagne, qui a choisi de fixer comme limite 10 µg/L et la Hollande qui a retenu le seuil de 2,2µg/L. Sur le site de Saint-Aubin-Lès-Elbeuf des pointes ont été constatées à 28.000 µg/L, plusieurs milliers de fois les seuils retenus par nos voisins !
BASF bat le triste record du site industriel de Salindres dans le Gard qui avait déjà provoqué un scandale en début d'année pour des rejets à 7.600 µg/L soit 4 fois moins que sur le site de BASF. Néanmoins, au regard du désastre environnemental et sanitaire, la préfecture a décidé de réagir et, par arrêté préfectoral du 17 octobre 2024, a demandé à l'industriel de réduire ces émissions au seuil de 600µg/L d'ici le premier janvier 2027. Avec un seuil encore 60 fois supérieur à celui retenu par l'Allemagne et 300 fois celui de la Hollande!
On ne pourra pas accuser la Préfecture du Gard d’avoir fait preuve d'un excès de zèle.
Et pourtant, à peine la décision préfectorale était prise que l'industriel annonçait l'arrêt de la production de TFA d'ici à octobre 2025. Cela illustre que s'il y a des industriels responsables, soucieux de la préservation de l'environnement et de la santé humaine il y en a d'autres … qui ne sont prêts à aucun compromis pour préserver leurs profits.
Je suis conforté dans l'idée que les demies mesures ne peuvent que nous conduire à une impasse : interdire l'utilisation d'un produit mais autoriser son exportation (et pire encore, autoriser son retour sur notre territoire dans les produits alimentaires produits ailleurs) est absurde et ne peut mener qu'à un moins disant environnemental, social et sanitaire.
Tout cela en nous mettant dans les mains d’industriels (pourtant européen… En l’occurence, BASF est un Groupe chimique allemande, accessoirement le plus grand du monde) qui brandissent la menace de la désindustrialisation. Retenons tout de même que l'Europe est le premier marché mondial. Elle n’est donc pas démunie dans son rapport de force avec ces industriels. Elle dispose des moyens d'imposer ses normes aux produits qu'elle accepte sur son marché, pour peu qu’elle décide de s’en donner les moyens.
Affaiblissement de nos normes environnementales et sociales, chantage à l’emploi, laxisme dans les contrôles d’un côté et passages aux forceps d’accords de libres échanges de l’autre sont les deux faces d’une même pièce. Mais dans le cas de l’accord du Mercosur, l’Histoire n'est pas finie, car l'accord est encore loin d'être ratifié.
Mais en attendant il convient d'agir.
Aussi, je viens d'écrire au Préfet pour lui demander de suivre l'exemple de la Préfecture du Gard en fixant une valeur limite d'émission de TFA à l'industriel.
J'espère que le Préfet saura faire preuve de responsabilité.
Les conditions de production et l’utilitaire sociale et environnementale de ces productions doivent respecter l’intérêt général, et dans ce cas qui nous occupe le plus impérieux de tous, notre santé.
Aucun intérêt privé ni aucun chantage s’y rapportant ne saurait prendre le dessus sur l’une liberté des libertés fondamentale des citoyennes et citoyens: vivre en sécurité, et en l’occurrence en sécurité sanitaire.