Lubrizol, pollution de l’eau : l’Etat une nouvelle fois défaillant
Le 27 octobre 2021, le site d’information StreetPress a publié un article suite à la transmission d'éléments par un lanceur d’alerte. L’enquête, sérieuse et édifiante, des journalistes révèle encore une fois le manque de transparence dont font preuve l’Etat et l’industriel depuis l’incendie de Lubrizol le 26 septembre 2019.
On retrouve en effet dans les documents, analysés par des chercheurs, une explosion des concentrations en Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques, substances cancérigènes et mutagènes, dans une source souterraine qui fait partie de celles qui alimentent 100 000 habitant.es. L’eau aurait dû être considérée par précaution comme non potable, impropre à la consommation, et une information claire faite à ce sujet par la préfecture. Mais rien n’a été fait.
Pire, les déclarations successives de la Préfecture comme de l’Agence Régionale de Santé n’ont visé depuis deux ans qu’à “rassurer” les victimes de l’incendie, ignorant les inquiétudes légitimes de la population. “Facile d'être rassuré, lorsque 9 500 tonnes de produits chimiques et 8 000m2 de toiture en amiante sont partis en fumée à moins de 5 kilomètres de chez soi”, ironise tristement Simon de Carvalho, président de l'Association des Sinistrés de Lubrizol.
Pourtant, les associations de victimes, qui font un travail d'utilité publique, découvrent chaque mois de nouvelles informations inquiétantes. En septembre, grâce à leur combat, Lubrizol a d’ailleurs été mise en examen pour 2 chefs d’accusation supplémentaires après des mesures effectuées par les Fédérations de pêche dans des cours d’eau, et un maire de la Métropole a porté plainte suite à des analyses des lichens dans sa commune.
“Cet énième rebondissement insensé dans les suites de la catastrophe de Lubrizol nous alerte une fois de plus sur l’incapacité de l’Etat à protéger les populations. Les industriels, quant à eux, semblent plus occupés à la création d’Upsides, leur nouvelle association de lobbying, qu’à la mise en sécurité de leurs installations.” déclare Laura Slimani adjointe au Maire de Rouen. Un rapport publié récemment par des inspecteurs de la DREAL indique ainsi qu’en 2019 et 2020 35% des sites contrôlés étaient en infraction par rapport à la sécurité, et qu’une quarantaine de départs d’incendies auraient lieu chaque année en Normandie sur des installations classées.
Nous apportons encore une fois notre soutien à la création de l’Institut Ecocitoyen porté entre autres par l'ASL, pour une expertise et une information indépendantes sur les risques industriels. “Nous vivons sur un territoire fortement marqué par son histoire industrielle, et fortement impacté par des risques graves pour notre santé et pour l’environnement. Il nous faut en prendre la mesure et permettre aux habitant.es de les connaître et de pouvoir s’en protéger.” explique Sylvie Croizat, Vice Présidente de la Métropole en charge de la démocratie.
Nous demandons la mise en place d’un dispositif complet de suivi épidémiologique des conséquences sanitaires de la catastrophe de Lubrizol. Après AZF, un dispositif avait été déployé dès le lendemain de la catastrophe. Ces révélations accablantes sur la pollution de nappes phréatiques inciteront, nous l’espérons, l'Etat à prendre enfin ses responsabilités.
L’argument d’un “bruit de fond”, avancé régulièrement par l’Etat pour justifier de ne pas mesurer les impacts spécifiques de l’incendie du 26 septembre 2019, n’est pour nous pas entendable car ce “bruit de fond” constitue déjà une pollution chronique qui mériterait de mettre en place un suivi de la santé de la population rouennaise.
Nous réitérons également à cette occasion notre demande de transmission par Lubrizol des échantillons nécessaires aux chercheur.ses dans le cadre du projet COP HERL, pour recréer en laboratoire l’incendie et connaître les polluants auxquels nous avons été exposé.es depuis le 26 septembre 2019. Le Préfet doit enfin permettre à l'Agence de l'eau de diffuser les données qu'elle récolte en toute transparence.
Les élu.es du pôle écologiste de Rouen et de la Métropole
David Cormand, député européen
(Crédits image : PHILIPPE LOPEZ/AFP via Getty Images)