Ne détruisons pas l'UNRWA, bouée de sauvetage des Palestiniens de Gaza
Un arrêt des activités de l'agence de l'ONU serait catastrophique pour les populations de l'enclave affamées et ternirait toute perspective de reconstruction, alertent, dans une tribune à L’Obs, David Cormand et des parlementaires écologistes. Comment ne pas regarder en face le risque de déstabilisation dans un contexte déjà extrêmement tendu ?
Au lendemain des décisions de la Cour internationale de Justice contre Israël, l'UNRWA s'est retrouvée sous le feu des critiques. Seize pays, y compris en Europe, ont décidé de suspendre un total de 440 millions [de dollars, soit 408 millions d'euros] de versements à cette organisation internationale, faisant fi de ses actions humanitaires vitales pour les Palestiniens. L'agence de l'ONU pour la protection des réfugiés palestiniens a annoncé, dans son communiqué du 1 février, qu'elle risquait de devoir suspendre ses activités qui bénéficient à 6 millions de Palestiniens, dans la bande de Gaza, mais aussi en Cisjordanie, au Liban, en Syrie et en Jordanie.
Pourtant, l'UNRWA a immédiatement réagi face aux graves allégations du gouvernement israélien, et les agents incriminés d'avoir participé à l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre (rappelons-le : 12 personnes sur les 13 000 agents comptés dans la bande de Gaza) ont immédiatement été licenciés. L'ONU, en responsabilité, a démontré vouloir faire toute la lumière sur les faits et en tirer toutes les conséquences.
Cela n'aura pas suffi. Alors que la Cour internationale de Justice enjoint les Etats de fournir une aide humanitaire à Gaza afin d'éviter un génocide, des Etats et responsables politiques s'empressent de tirer sur l'ambulance. Mais à quel moment l'action - si vile soit-elle - de salariés peut-elle être le prétexte à jeter l'opprobre sur l'ensemble d'une entreprise ou d'une institution ? A quel moment le bien-fondé de l'action de l'UNRWA peut-il être mis en cause, alors que c'est le fil d'Ariane de la vie des camps de réfugiés palestiniens et aujourd'hui l'opérateur humanitaire le plus important de la bande de Gaza où quasiment aucune autre aide extérieure n'entre ? A quel moment nos pays peuvent-ils basculer et participer à cette punition collective déjà infligée par Israël aux Palestiniens ?
Depuis des années, le gouvernement israélien ne fait pas mystère de sa volonté de liquider l'UNRWA. L'agence, créée en 1949, représente un obstacle majeur dans la stratégie de communication d'Israël. Elle rend visibles les droits des réfugiés palestiniens victimes de la « Nakba » de 1948 [« catastrophe » en arabe, désignant l'exode forcé de 750 000 Palestiniens à la création de l'Etat d'Israël] ou de l'occupation, elle est un acteur tant symbolique qu'opérationnel des 60 camps de réfugiés dont elle essaie d'apaiser la pauvreté.
L'UNRWA est, de fait, également, la source principale d'information des médias internationaux, faute d'organes de presse autorisés à entrer dans la bande de Gaza ; elle dresse aussi les cartes de l'occupation en Cisjordanie. Sous la pression Israélienne Donald Trump avait déjà suspendu la contribution américaine à l'UNRWA en 2018. Et depuis octobre 2023, l'armée israélienne a tué 152 membres de l'agence et endommagé 145 de ses installations.
L'eau, la nourriture, les soins
Pourtant, il s'agit de bien mesurer les conséquences potentielles - y compris d'un point de vue international - d'un arrêt des financements de l'UNRWA. C'est l'UNRWA qui distribue à Gaza l'eau et la nourriture qui entrent au compte-gouttes dans ce territoire. C'est elle aussi qui assure des soins médicaux essentiels par le biais de ses 22 centres de santé. Trois-cent-mille enfants bénéficient de ses écoles qui servent aussi d'abris, alors que plus de 85 % de la population est déplacée.
Un arrêt des activités de l'UNRWA jetterait un nouveau voile de désespoir sur les populations de Gaza affamées et ternirait toute perspective de reconstruction, une fois la guerre terminée. En Cisjordanie, au Liban, en Syrie ou en Jordanie, la responsabilité internationale n'est pas moindre : qu'adviendrait-il des populations aujourd'hui sous perfusion des aides ? Comment ne pas regarder en face le risque de déstabilisation dans un contexte déjà extrêmement tendu ?
Nous, parlementaires écologistes, condamnons le choix fait par la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou encore les Etats-Unis de suspendre leurs financements. Nous rappelons les demandes de la Cour internationale de Justice d'augmenter les aides humanitaires dans cette situation dramatique pour la population de Gaza en particulier. En faisant le choix de sanctionner l'agence, nos pays occidentaux prennent le risque de briser la dernière digue humanitaire y permettant la survie. Nous partageons l'analyse de Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, qui estime que cet arrêt des financements est contraire à la décision de la Cour internationale de Justice. Il pourrait même être considéré qu'il s'agit d'une violation de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Malgré les derniers déroulements, plusieurs pays occidentaux, comme la Norvège, l'Espagne, l'Irlande et la Belgique ont fait le choix de maintenir leurs financements de l'agence, voire de les augmenter, estimant son action indispensable. Il est temps de revenir à la raison et à la responsabilité. Nous appelons solennellement la France et ses alliés européens à rétablir leur financement. L'UNRWA est la dernière bouée de sauvetage des Palestiniens de Gaza. Sa survie se confond avec celle d'un peuple tout entier. Ne crevons pas la bouée. Ne participons pas à l'irréparable.
Les signataires : Mounir Satouri, député européen Cyrielle Châtelain, députée Guillaume Gontard, sénateur Marie Toussaint, députée européenne Thomas Dossus, sénateur Marie-Charlotte Garin, députée Yannick Jadot, sénateur Akli Mellouli, sénateur Mathilde Ollivier, sénatrice Raymonde Poncet-Monge, sénatrice Sandra Regol, députée Sabrina Sebaihi, députée Aurélien Taché, député Guy Benarroche, sénateur Benoît Biteau, député européen Lydie Massard, députée européenne Karima Delli, députée européenne David Cormand, député européen Caroline Roose, députée européenne François Thiollet, député européen Gwendoline Delbos-Corfield, députée européenne François Alfonsi, député européen Claude Gruffat, député européen Julien Bayou, député
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