« La publicité va à l’encontre des enjeux environnementaux »

David Cormand, député européen Europe Écologie les Verts, est de passage à Lorient (Morbihan) et à Lanester, lundi 23 octobre 2023. L’occasion pour lui d’un échange avec Ouest-France autour des thèmes de son dernier ouvrage (Temps de cerveau libéré : en finir avec la publicité, Ed. Les Petits Matins) : obsolescence prématurée, défense des consommateurs et publicité.

L’interview 👇

David Cormand, vous rencontrez des associations de protection des consommateurs, lundi 23 octobre, à l’occasion de votre venue à Lorient. Qu’avez-vous à leur dire ?

Je vais leur parler de mon travail au Parlement européen, au sein de la commission « marché intérieur et protection des consommateurs ». Cette commission est l’endroit où l’on fixe les standards pour les produits vendus au sein du plus grand marché du monde, celui de l’Union européenne. Ces règles sont importantes pour les citoyens européens mais elles représentent aussi une force prescriptive puisque lorsque les grandes entreprises adoptent des standards dictés par l’Europe, il y a de grandes chances qu’elles les appliquent ailleurs.

Dans cette commission, vous travaillez notamment sur la lutte contre l’obsolescence prématurée. Expliquez-nous.

Jusqu’à présent, il n’existe pas de réglementation pour lutter contre ce phénomène. Dans les années 50-60, on a inventé l’obsolescence programmée parce qu’on fabriquait des objets trop robustes. Des économistes ont dit : « Si on veut faire fonctionner nos usines et maintenir l’emploi, il faut que les objets aient une durée de vie limitée. » À l’époque, cette démarche était vertueuse et pouvait se comprendre. Ce n’est plus le cas, car elle n’est pas compatible avec les limites planétaires et le maintien de la vie sur Terre.

Comment faire pour concilier emploi et environnement ?

En passant d’une économie de l’acquisition à une économie de l’usage. Plutôt que d’avoir chacun notre perceuse, mieux vaut en acheter une plus solide, réparable et la partager avec ses voisins. Pour l’emploi, ce ne sera que mieux car votre perceuse n’est plus fabriquée en Europe alors que pour la réparer, on ne peut pas délocaliser. Prolonger la vie des objets est, à la fois, un enjeu environnemental, social et économique.

Autre volet de votre travail au Parlement européen : le droit aux consommateurs. Comment leur donner plus de « pouvoir » ?

D’abord en les informant. Pour cela, on a légiféré afin de créer un indice de durabilité et un indice de réparabilité. Ces indices devraient entrer en vigueur d’ici quatre ou cinq ans. À travers l’indice de réparabilité, on veut garantir aux consommateurs l’accès aux pièces détachées dans des délais acceptables et à des prix raisonnables. Aujourd’hui, par exemple, il est compliqué de réparer un iPhone parce que la batterie est collée. Mais, en plus, Apple vous oblige à passer par un réparateur agréé. En principe, il devrait être facile de réparer un téléphone. Mais dans les faits, on vous pousse à en acheter un nouveau.

Ces indices suffisent-ils ?

Non, il faut également légiférer pour inverser « la charge de la preuve ». Ce n’est pas au consommateur de prouver que le fabricant a mal fait son travail, mais au fabricant de démontrer qu’il a conçu l’objet en respectant les règles.

Dans la soirée, vous dédicacerez votre dernier livre « Temps de cerveau disponible : en finir avec la publicité », à la médiathèque de Lanester…

Depuis des décennies, la publicité nous pousse à acquérir des objets dont nous n’avons pas besoin. On est passé de « la publicité à la grand-papa », à savoir la réclame, à la « publicité à la papa », incarnée par la phrase de Patrick Le Lay (ancien patron de TF1 décédé en 2020) : « Mon métier est de vendre du temps de cerveau disponible ». Désormais, la publicité est encore plus intrusive. À travers les réseaux sociaux, on collecte nos données personnelles pour nous bombarder de publicités adaptées à nos besoins ou nos envies.

Pourquoi s’attaquer à la publicité ?

On a interdit les publicités pour le tabac parce que c’est un produit dangereux pour la santé. Par extension, le droit de faire de la publicité pour des produits détériorant l’environnement, et qui sont donc mauvais pour l’être humain, devrait être remis en question. La publicité promeut un modèle productiviste, croissanciste. Elle génère du gaspillage, des déchets. Elle va à l’encontre des enjeux environnementaux qui réclament des modèles de production et de consommation plus sobres.

Au niveau européen, de quelle manière luttez-vous contre la publicité ?

On lutte contre le « greenwashing ». Certaines marques vantent des produits « neutres en carbone » ou « bons pour la planète ». Ces allégations vertes ne reflètent pas la réalité. Elles font passer pour vertueux des produits qui ne le sont pas.

Restos du cœur

David Cormand profitera de son passage à Lorient pour rencontrer les responsables des Restos du cœur : « La précarité alimentaire progresse. On doit étudier la possibilité de faire bénéficier aux Restos du cœur de fonds sociaux européens pour les produits d’hygiène et les produits alimentaires pour les bébés. »


Interview complète à lire sur le site de Ouest-France (abonnés).

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