Pêche au vif : « Il y a une logique à avoir une empathie pour la souffrance animale »

L'eurodéputé écologiste David Cormand demande à la Commission européenne d'agir sur la pêche au vif, pratique qu'il juge « cruelle » envers les poissons. Les pêcheurs s'y opposent. David Cormand s’en explique auprès de 76actu, le média local de Seine-Maritime.

Extraits 👇

La pêche au vif interdite dans l’Union européenne ? On en est encore loin mais plusieurs eurodéputés dont l’écologiste David Cormand, par ailleurs conseiller municipal à Canteleu (Seine-Maritime) près de Rouen, a récemment demandé à la Commission européenne de prendre position et d’agir sur cette pratique qu’il juge « cruelle » envers les poissons.

La Fédération de pêche de la Seine-Maritime s’y oppose, voyant dans ce projet un premier pas vers l’interdiction pure et simple de la pêche de loisir.

La pêche au vif de plus en plus contestée

La pêche au vif consiste à accrocher au bout d’un hameçon un poisson vivant utilisé comme appât pour attraper des carnassiers (brochet, perche, silure, etc.).

C’est une technique ancienne encore utilisée par un pêcheur à la ligne sur deux, d’après une étude de l’Ifop réalisée en mai 2021. Au total, 1,5 million de personnes pratiquent la pêche de loisir en eau douce, d’après la Fédération nationale de la pêche en France.

Depuis quelques années, les demandes d’interdiction de la pêche au vif se multiplient : pétitions à l’initiative d’associations de protection des animaux, tribunes dans la presse, interpellations du gouvernement par des parlementaires de tout bord, vœux d’interdiction adoptés dans plusieurs grandes villes (Paris, Grenoble, Saint-Étienne…).

À la pointe de ce combat, l’association Paris Animaux Zoopolis a proposé l’interdiction de la pêche au vif lors d’une consultation sur l’avenir de l’Union européenne (UE), organisée début 2022. L’eurodéputé David Cormand a décidé de « [s]’en faire le relais » avec 16 autres députés européens.

Parmi les parlementaires à avoir apposé leur signature, on retrouve plusieurs Français : l’ancien candidat d’Europe Écologie Les Verts (EELV) à la Présidentielle 2022 Yannick Jadot, l’ex-maire EELV de Grande-Synthe (Nord) Damien Carême, ainsi que les eurodéputés Pascal Durand (Socialistes et Démocrates), Claude Gruffat (Europe Écologie), Aurore Lalucq (Place publique) et Marie Toussaint (Europe Écologie).

« Cela peut paraître un sujet un peu secondaire mais je considère qu’il y a une logique globale à avoir une empathie pour la souffrance animale dès lors qu’elle existe », explique David Cormand à 76actu.

« Dans l’approche de notre relation au vivant doué de sensibilité physique, il n’est pas anodin qu’une civilisation décide de faire souffrir un être vivant à des fins récréatives. »
— David Cormand, député européen Europe Ecologie-Les Verts, auprès de 76actu

Les poissons ressentiraient consciemment la douleur

L’ex-secrétaire national d’EELV (de 2016 à 2019) appuie son argumentaire sur « les preuves scientifiques de la sensibilité à la douleur des vertébrés » dont font partie les poissons.

Ainsi, dans son expertise scientifique collective sur « La conscience animale » (2017), l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) écrit que « les cerveaux d’oiseaux et de poissons ont des structures homologues à celles des mammifères, qui leur permettent vraisemblablement d’éprouver consciemment la douleur ».

Toutefois, l’Inrae ajoute que les recherches dans le domaine de la conscience chez les animaux présentent des « lacunes » qu’« il serait souhaitable de combler en élargissant le champ d’investigation à une plus grande variété d’espèces, en particulier de vertébrés, y compris aux poissons ».

David Cormand dénonce aussi les conditions d’élevage des poissons commercialisés pour la pêche au vif. Et pointe les « risques environnementaux » de cette technique, « notamment la propagation de maladies et la prolifération d’espèces dites envahissantes ». En conséquence, il demande à la Commission (qui détient l’initiative de la loi à l’échelle de l’UE) si elle « envisage » d’interdire la pêche au vif ainsi que l’élevage et la vente « d’animaux destinés à être utilisés comme vifs ».

[…]

David Cormand ne veut pas « stigmatiser » les pêcheurs

David Cormand se défend pour sa part d’entreprendre une démarche « stigmatisante » envers les pêcheurs « qui sont objectivement des alliés dans la bataille pour l’usage de l’eau et la préservation de la biodiversité ».

« L’avis des fédérations de pêche m’importe autant que celui des ONG », soutient-il. Tout en admettant ne pas avoir pris attache avec les premières avant d’envoyer son courrier à la Commission européenne. Ce qui laisse amer Bruno Valet : « On est toujours les derniers consultés. »

La Commission européenne dispose d’un délai de trois mois pour apporter une réponse écrite à la question que David Cormand et ses pairs ont déposée le 14 novembre 2022.


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