Iran : « Nous appelons la France et l’UE à des sanctions plus sévères à l’égard du régime »

Des parlementaires français demandent, dans une tribune au « Monde », le rappel de l’ambassadeur de France et l’inscription du corps des gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes. David Cormand, député européen Europe Ecologie-Les Verts, est co-signataire de cette tribune.

Après la mort de Jina Mahsa Amini, tuée le 16 septembre 2022 par la police des mœurs iranienne pour port du voile inapproprié, un mouvement de protestation contre la République islamique, d’une ampleur inédite, a pris forme autour du slogan « Femme, vie, liberté ». Les Iraniennes et les Iraniens demandent l’égalité entre les femmes et les hommes, le respect des droits humains, la liberté individuelle, le respect des droits des minorités ethniques, et la justice sociale.

Le régime iranien tente depuis plusieurs semaines d’étouffer le mouvement en usant de la plus grande violence. Les forces de sécurité de la République islamique tirent sur les manifestants, y compris sur les enfants. A ce jour, selon l’ONG des droits de l’homme en Iran IHR, basée à Oslo, 304 personnes ont été tuées dont 41 enfants. Plus de 14 000 personnes ont été arrêtées, selon un responsable des Nations Unies cité par CNN. En prison, les détenus sont battus, parfois à mort, violés et torturés.

Après l’incendie de la prison d’Evin, à Téhéran, le 15 octobre, Amnesty International a rappelé la nécessité de protéger les prisonniers contre « les nouveaux homicides illégaux, la torture et d’autres mauvais traitements ». Il serait difficile d’évoquer chacune des victimes mais il est impossible de s’en tenir à l’abstraction des chiffres, alors nous en citerons quelques-unes afin d’illustrer la violence de la répression.

Une répression violente et permanente

La jeune Nika Shahkarami, fan de rock, âgée de 16 ans, dont le corps n’a été rendu à sa famille qu’après dix jours, puis volé par les forces de sécurité. La petite Mona Naghib, âgée de 8 ans, tuée sur le chemin de l’école. Shirin Alizadeh, âgée de 35 ans, abattue dans sa voiture, sous les yeux de son fils de 7 ans, alors qu’elle filmait la brutalité des forces de police à l’égard des manifestants. Esmail Mouloudi, tué alors qu’il se rendait au cimetière pour le quarantième jour du deuil de Jina Mahsa.

Privés du droit de manifester, les Iraniennes et les Iraniens utilisent le traditionnel quarantième jour de deuil pour se rassembler. C’est ainsi que, le 26 octobre, près de 10 000 personnes se sont rendues au cimetière de Saqqez, où est enterrée Jina Mahsa Amini. Jeudi 3 novembre, à Karadj, des milliers de personnes se sont rendues au cimetière où Hadis Najafi, manifestante de 23 ans assassinée par les agents du régime, est enterrée. En participant à ces rassemblements, chaque manifestant risque sa vie.

Malgré la répression, des rassemblements continuent de se tenir quotidiennement dans les universités du pays, des manifestations ont lieu dans diverses provinces, des raffineries sont en grève, des lycéennes et des collégiennes se photographient défiant le régime, des femmes marchent dans la rue sans voile. Le courage de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants force l’admiration partout dans le monde.

Des « procès » collectifs et expéditifs

Face à cette contestation qui perdure et à la remise en cause du régime, la République islamique a annoncé par la voix du chef des gardiens de la révolution qu’elle allait intensifier sa répression. Le général Hossein Salami a ainsi déclaré, samedi 29 octobre : « Ne descendez plus dans la rue. » Cette mise en garde s’est traduite par une multiplication des arrestations arbitraires et violentes, notamment de personnalités iraniennes populaires soutenant les manifestants.

C’est ainsi que le rappeur Toomaj Salehi, l’une des voix importantes du mouvement, a été arrêté et serait, selon sa famille, sous la torture la plus sévère. Cette intensification de la répression s’est également traduite par l’organisation de « procès » collectifs et expéditifs, sans le moindre respect des droits de la défense, pouvant conduire à des sentences de mort. L’Autorité judiciaire iranienne a annoncé que des procès se tiendront pour les milliers de personnes arrêtées durant les manifestations.

Parmi elles, on compte de nombreux avocats et journalistes. Le procès de sept premières personnes, accusées de crime passible de la peine capitale, s’est ouvert le 29 octobre, selon l’agence de l’Autorité judiciaire. D’ores et déjà, Mohammad Ghobadlou, 22 ans, interrogé sans la présence de son avocat, a été condamné à mort après une audience expéditive, devant un juge unique, selon sa mère, qui a demandé à tous les citoyens du monde de l’aider à sauver son fils unique.

Face à la stratégie de terreur, un processus révolutionnaire

Selon l’ONG Human Rights Watch, « des milliers de militants détenus sont en situation de danger ». Selon les informations communiquées par des avocats iraniens, au moins cinquante personnes encourent la peine de mort par pendaison. Le gouvernement iranien s’engage donc dans une stratégie de terreur à l’égard de sa population afin de contenir le mouvement, qui s’est désormais transformé en processus révolutionnaire et libéral.

Les Iraniennes et les Iraniens pressent aujourd’hui les démocraties occidentales, les Etats libres, d’être à leurs côtés dans ce moment historique. Ils nous disent que les timides prises de parole ne suffisent plus. Dès lors, nous demandons au président de la République française de faire toute diligence, tant diplomatique que juridique, aux fins de préserver les droits humains.

En particulier, nous lui demandons de :

  • convoquer l’ambassadeur d’Iran en France pour lui signifier l’opposition ferme de la France à toute exécution de prisonniers politiques ;

  • rappeler l’ambassadeur de France en Iran et fermer l’ambassade de France à Téhéran ;

  • inscrire le corps des gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes, à l’instar de l’Allemagne ;

  • solliciter une session extraordinaire auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations unies afin d’enquêter sur les exactions.

Les négociations sur le nucléaire iranien ne doivent pas mettre de côté la question des droits humains en Iran. Nous demandons également à l’Union européenne de prendre des sanctions plus sévères, et surtout plus étendues, à l’égard des dignitaires du régime iranien et des différents organes qui organisent la répression. Elles ne peuvent pas rester symboliques. Toutes les dictatures ont besoin de silence pour prospérer et perdurer. Aussi, la France et la communauté internationale ne doivent plus se taire.

Premiers signataires de la tribune : Emilie Chandler, députée (Renaissance) ; Cyrielle Chatelain, députée et présidente du groupe écologiste (EELV) ; David Cormand, député européen (EELV) ; Olivier Faure, député et membre de la commission des affaires étrangères (Parti socialiste) ; Sylvie Guillaume, députée européenne (Parti socialiste) ; Hubert Julien-Laferrière, député et membre de la commission des affaires étrangères (EELV) ; Laurence Rossignol, vice-présidente du Sénat et présidente de l’Assemblée des femmes (Parti socialiste) ; Sabrina Sebaihi, députée et membre de la commission des affaires étrangères (EELV) ; Aurélien Taché, député et membre de la commission des affaires étrangères (EELV) ; Sophie Taillé-Polian, députée (Génération.s).


La tribune est à retrouver sur le site du Monde. La liste complète des signataires est ici : https://www.azadi4iran.com/tribune-collective.

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