La peur du vert.

Commençons par la primaire des écologistes qui se profile. D’aucuns affirment qu’elle tournera à la foire d’empoigne. Telle n’est pas ma conviction. Je n’ignore pas la mécanique de ce type de confrontation, qui accentue les différences et durcit les oppositions. Mais nous sommes toutes et tous conscient.e.s de l’importance nouvelle de notre mouvance politique. Aussi je veux croire que l’esprit de responsabilité l’emportera sur le démon de la division. Une fois ceci posé, je dis clairement les choses : qui peut croire qu’une candidate ou un candidat incapable de s’imposer lors de nos débats pourrait concourir à la présidentielle avec des chances sérieuses de l’emporter ? De telle sorte que postuler à la primaire des écologistes c’est à mon sens devoir démontrer de la solidité doctrinale, de la clarté d’exposition, autant qu’une capacité à tenir bon sous la mitraille. Je demande à mes camarades de respecter une règle simple: que l’exigence de fond l’emporte sur les effets de manche.  C’est la condition d’une primaire utile. Car désormais nous devons présenter au pays la meilleure part de nous-mêmes. Pour moi l’enjeu de cette primaire n’est pas de distinguer nos singularités internes, mais bel et bien d’afficher les fondamentaux qui nous distinguent des autres formations politiques. De ce point de vue, ce qu’il importe de présenter à la société, c’est ce que des personnalités solides peuvent apporter au débat politique et à la France dans un contexte où la brutalité permanente des controverses abime notre démocratie, entretient la confusion et détourne de l’essentiel. 

 

J’ajoute et précise qu’il ne s’agit pas seulement de défendre une identité politique mais de présenter la manière dont nous entendons gouverner. Accepter les règles actuelle de la Ve République dans le cadre de cette élection présidentielle ne signifie pas que nous devions nous interdire de donner à voir ce que serait notre pratique du pouvoir et les évolutions institutionnelles nécessaires pour une démocratie qui permette aux citoyennes et aux citoyens de reprendre la main sur des décisions qui, de plus en plus, leur échappent.

 

J’ai fait connaitre ma préférence pour Éric Piolle. Ce soutien déterminé ne vaut pas forcément désaveu pour tel ou telle autre. Nous aurons le temps, dans les semaines qui viennent de préciser les contours du débat. Je conclus provisoirement sur le sujet en invitant chaque écologiste à mobiliser pour notre primaire : elle n’est pas qu’une simple étape de validation interne, mais doit bel et bien constituer la première étape d’une dynamique victorieuse. Au moment où les autres forces politiques renoncent à organiser ce premier rendez-vous avec les citoyen.ne.s, soyons fier.e.s de mobiliser pour choisir celle ou celui qui aura la charge de représenter une alternance écologiste et solidaire à vocation majoritaire.

 

Car voyez-vous le temps presse. 

 

Partout, s’accumulent les preuves d’une planète Terre dont l’hospitalité à la vie - et à l’humanité – régresse.  Les sécheresses, les risques de famines, les désordres géopolitiques que produisent la course à l’accaparement des ressources encore disponibles, l’effondrement de la biodiversité, nous conduisent chaos. En Californie, le Gouvernement vient de demander à la population de réduire de 15% sa consommation en eau. Dans l’ état le plus riche des États-Unis, berceau des GAFAM, géants du nouvel âge du Capitalisme, la concentration des richesses côtoie la pénurie.. Quand l’Agriculture fruitière de ce territoire est en train d’être anéantie,  que ses forêts sont en feu, les enfants gâtés de la silicon valley se livrent une course au voyage dans l’espace. La terre qu’ils ont tant et tant dénaturée n’est plus leur patrie…La parabole, est saisissante. Les milliardaires, dont les fortunes sont issues du modèle qui est en train de consumer notre planète songent désormais à fuir.  Ainsi se révèle le vertige qui s’est emparée de notre civilisation dont l’élite économique quitte notre réalité terrestre. Hier au sens figuré et bientôt au sens propre.

 

Edgar Morin, dont on célèbre le siècle joli, le dit mieux que moi, avec des mots d’une puissance et d’une lucidité sans égale. Sa sagesse force l’admiration. Mais visiblement toute la sagesse du monde ne suffit pas à convaincre les gardiens d’un système épuisé qu’il est temps de changer de route.

 

On trouvera que je charge la barque ? Alors, revenant en France, j’évoque très rapidement deux exemples. Premièrement le gâchis Chapelle Darblay, où le gouvernement a refusé de permettre de sauver un fleuron industriel français. Hier, cette entreprise produisait du papier recyclé. Mais l’inconséquence et la rapacité ont poussé à mettre au chômage des ouvriers au savoir-faire incomparable en matière d’économie circulaire alors même que la transition écologique est une nécessité absolue.

La colère et l’amertume devant l’idiotie de la destruction de notre appareil industriel sont sans limite.  Elles ne doivent pas embuer notre vigilance. La lutte de Chapelle Darblay est essentielle, car quand beaucoup veulent opposer justice sociale et écologie, le démantèlement de l’usine est de sinistre augure. Sa destruction révèle de bien sombres desseins. Derrière les grands mots de « relance » et du « quoi qu’il en coute », on laisse mourir le monde du travail.  Ce sont toujours les mêmes logiques en faveur d’une économie punitive qui sont à l’œuvre: mépris de l’économie réelle, dédain pour les outils nécessaires à la bifurcation de notre modèle économique, oubli des ouvriers et salariés, de leurs métiers, des savoir-faire.  Voilà pourquoi nous ne reculons pas et sommes aux côtés des employé.e.s qui se battent pour leur travail et la dignité de leurs familles. Jusqu’au bout il faut tenter de répéter nos arguments et de sensibiliser l’opinion.

 

Le second exemple que je veux aborder est de même facture. C’est une histoire de dupes ou chacun se rejette la faute. Je veux parler en peu de mots de la fin du mauvais feuilleton sur l’inscription du climat dans la constitution. La messe est dite : rien ne bougera. Le gouvernement accuse la droite sénatoriale de climato-scepticisme, qui accuse en retour le gouvernement d’hypocrisie. Tout a été fait, depuis le début pour en arriver à ce point. Hormis les écologistes qui défendent cette idée depuis des années et on donc naturellement soutenu la proposition de la convention citoyenne pour le climat, personne n’a jamais eu l’intention de déboucher positivement sur la moindre avancée constitutionnelle.  Au contraire, nos adversaires sont déterminés à perpétuer le système actuel, arrivé à bout de souffle. Ils prétendent agir au nom de l’intérêt général quand ils en sont précisément les fossoyeurs. 

 

 

Le vert est la couleur de notre espoir mais aussi celle de leur peur que le monde change.  La possibilité de nous voir échouer sur les rivages de la médiocrité est leur meilleure assurance vie. Voilà pourquoi notre primaire ne peut se payer le luxe d’être un échec.

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