Préparer.

J’achève ici le triptyque entamé il y a 15 jours. 

Les deux précédentes notes ont porté sur l’écologie de la réparation puis sur l’impératif de protection. Je veux maintenant insister sur la nécessité de faire de l’anticipation un principe de gouvernement écologique.

 

« Rien de neuf sous le soleil » me direz-vous.

On sait depuis longtemps que gouverner c’est prévoir. S’en tenir à cette réponse serait ignorer à quel point la question du temps long a disparu de l’horizon de la politique. 

 

Nos sociétés semblent avoir déserté l’idée de futur. D’un côté, l’obsession hyper mnésique d’un passé qui n’en finit pas de passer nous entraine souvent jusqu’à plus soif dans la contemplations de vieilles plaies en même temps qu’elle idéalise des époques prétendument dorées. Dans une société en mal de sens, la légitime passion des origines débouche souvent sur des apories identitaires ou des nostalgies mortifères. D’autre part, et cela fait système, la tyrannie de l’instant cloue au sol nos imaginaires, dès lors incapables de s’élever à imaginer des lendemains communs. 

 

La crise politique que nous vivons est une crise du futur. Elle vient de loin.

 

Du point de vue idéologique, La chute du mur de Berlin a emporté dans ses décombres l’idée d’une histoire téléologique. L’émergence de l’écologie politique, longtemps présentée, et d’abord par nous-mêmes, comme le courant qui invitait à prendre soin des générations futures a constitué de ce point de vue, une sorte de relais. 

 

Nos adversaires d’alors, contestant notre prétention à agir au nom du futur, tentaient d’ailleurs de nous disqualifier en affirmant que l’écologie était « le communisme du 21ème siècle ». Dans cet ordre d’idée, l’insulte « khmer verts » visait autant à dénoncer notre supposée rigidité idéologique, qu’à souligner le fait que nous prétendions imposer, selon eux, un nouvel ordre écologique.

 

Rien n’est plus faux.  

Là où le marxisme scientifique prétendait connaître la fin de l’Histoire, l’écologie politique, précisément parce qu’elle s’adosse aux connaissances scientifiques de son temps affirme que nous devons agir avec mesure parce que les conséquences écologiques de nos actes dépassent nos capacités de prédiction.  

 

Depuis notre naissance, nous contestons la prétention du capitalisme à constituer l’horizon indépassable de l’humanité. En particulier, son obsession pour les profits à court terme s’oppose en tout point à notre souci du long terme. Et comme nous ne sommes pas prisonniers de la gangue productiviste qui a encaserné les pensées communistes et sociales démocrates, les critiques que nous adressons au capitalisme ne portent pas seulement sur les conditions de sa production mais bel et bien sur la finalité même de cette production.

 

En particulier, nous disons que produire aujourd’hui ne peut se faire au détriment des capacités de la nature à se régénérer. La modération écologiste s’oppose radicalement à la fièvre productiviste qui embrase l’imaginaire de la société de consommation.

 

Pour que les choses soient claires, le principe d’anticipation, ne relève pas de la divination.  Il ne pose pas le politique en majesté toute puissante. Au contraire il remet la question de l’incertitude au centre du processus de la décision politique. Il nous commande donc d’être humbles.  Gouverner c’est admettre qu’on ne peut tout prévoir. L’anticipation écologique, c’est la volonté de stratégiser, augmentée de l’idée d’incertitude.

 

Et, loin de nous rendre irresponsables, l’incertitude qui niche au cœur de l’écologie de l’anticipation, nous pousse nécessairement à la précaution.

Parce que l’anticipation nous commande de penser conjointement notre puissance et notre faiblesse, notre force et nos fragilités. Nous sommes suffisamment puissants pour détruire les écosystèmes, et suffisamment fragiles pour que notre modèle actuel de développement cause notre perte.

 

Devenir écologiste, c’est comprendre que l’humanité avance sur un fil tendu entre le passé et l’avenir et qu’aucune de nos décisions n’est exempte de conséquences.

 

Si la réparation vise à revenir sur les effets passés, que la protection s’exerce au présent, l’anticipation conjugue l’écologie au futur. 

 

Dès lors, « préparer », consiste à faire atterrir nos modes de production et de consommation pour les rendre compatibles avec une vie heureuse sur une planète vivable. C’est coordonner les énergies disponibles des capacités de création humaines pour que nous sachions répondre collectivement aux enjeux des temps qui viennent. C’est nous préparer grâce à la connaissance disponible, à l’éducation, à la formation, au changement de modèle que nous savons nécessaire. C’est en un mot refuser de subir et prendre le contrôle sur ce dont dépend notre substance et notre émancipation individuelle et collective.

 

« Réparer », « Protéger », « Préparer », le trépied ainsi décrit, fonde la possibilité d’une éthique de la responsabilité écologique, qui doit guider notre engagement et notre action dans les institutions.

 

Au parlement européen, dans les municipalités comme dans les Régions, notre famille politique est la seule qui agisse en conformité avec les trois objectifs que j’ai esquissé devant vous ces dernières semaines.

 

Dire que le temps de l’écologie est venu ne suffit pas : il faut aussi faire advenir les écologistes qui agiront en conséquence. Votre bulletin de vote peut forger cette victoire.

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